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Cowboy Junkies The Trinity Session / ‘til I’m Dead

mercredi 24 Septembre 2008, par Anne Savelli

Editions Le Mot et Le Reste

Cowboy Junkies, le livre

le lieu
Plutôt le tabac de la Sorbonne, dans l’arrière-salle, arc de cercle où réviser ses cours. Ou mieux sur le devant, dans le cube de verre qui donne sur la place et son renfoncement, une table près de la porte. C’est même la première image qui me soit venue : une fin d’après-midi d’automne, la pluie la nuit déjà tombées. La lumière ? Celle du verre teinté (ces baies vitrées sur rails qu’on peut escamoter), celle d’un cendrier propre au travers duquel on regarde. Un marron qui s’ignore, un beige brun de comptoir. C’est plutôt là, sur la table posée, qu’il m’a offert cette cassette, Cowboy Junkies : The Trinity Session, second album d’un groupe canadien qu’il venait de découvrir et qui pensait-il me plairait.
On partageait les Clash, Nick Cave, qu’il avait même croisé et dont il m’avait montré l’autographe.

l’objet
Aujourd’hui, le boîtier, la cassette ne quittent plus la chambre. Je les perds, les retrouve, je les mets de côté les perds. Séparés l’un de l’autre, quand je pose la main sur l’un l’autre a déjà filé sous des couches de livres, vêtements, journaux, tandis que le CD racheté en ligne d’un clic je sais toujours sa place. Ce n’est pas tant l’objet qui compte ?
Puis, au bout de quatre ou cinq pages, quand quelque chose du livre commence à apparaître, le boîtier la cassette surgissent par magie, rangés sur le bureau. Séparés l’un de l’autre mais sages, tout près, bien calés côte à côte. Je les prends, les imbrique, je les tiens dans ma main : il est temps.
Évidemment le nom du groupe, Cowboy Junkies, laissait tout présager ou presque, et l’album n’a rien à voir.

celui qui
Sur la photo, à la Villette, il porte une chemise blanche mais c’est exceptionnel : plus qu’un autre c’est l’homme en noir. Il paraît qu’aujourd’hui tel est toujours le cas, des pieds à la tête tout en noir (chaussures, cheveux, montures de lunettes). Mais je ne l’ai pas revu.
Vous ouvrez le boîtier, vous retrouvez un ami avec lequel vous avez bu sans doute une centaine de cafés, avez parlé concerts, disques, pochettes. Quinze, vingt ans plus tard ce qui reste c’est sa voix, une façon de marcher en racontant déjà. À l’époque, sa culture musicale se tisse, prend forme devant les autres sans qu’il s’en rende compte, références en rafales à tenter de retenir rue Pierre-Sarrazin devant la vitrine de New Rose, avant de reprendre le boulevard.

(Pierre Sarrazin_ : bourgeois parisien, propriétaire au XIIIe siècle dit la plaque)

Celui qui offre offre vraiment. Ne toise pas, ne prend pas le pouvoir lorsqu’il parle. Vous êtes dépassé ? Ça ne fait rien. Il répète, donne le nom d’un bassiste, le titre d’un album. S’éloigne, long manteau noir, cartable pour les cours. Reste le sac du disquaire qu’on n’ose pas jeter. Pourtant les clients le savent : ce n’est même pas qu’il froisse, qu’il crisse, le sac de New Rose. Ni kraft ni plastique on ne connaît pas sa matière. Sa texture sonore ? Trois notes en dents de scie, les mêmes, toujours les mêmes, qui vous flinguent un ciné.

Et sinon ?

Je glisse la cassette dans son papier cadeau, je la range dans ma poche. Du côté flou, gratté, comme photocopié de la photo du groupe je garde en mémoire la couleur, entre papier et cendre, ce beige brun de comptoir qui signe la pochette_ : c’est un début, comme d’avoir déjà entendu la musique. Cadeaux éparpillés sur le matelas par terre, la cassette cherche sa place.

Galerie

Cowboy Junkies, le livre

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