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Retour à Clermont

dimanche 10 Décembre 2023, par Anne Savelli

Jeudi Cette semaine, je reste un jour de plus à Clermont-Ferrand, ce qui m’évite le marathon train-hôtel-ateliers-hôtel-train à effectuer en quarante-huit heures. Dans l’espace de travail du rez-de-chaussée, puis dans la chambre, plus calme, je tente de tracer les lignes narratives à venir, pour Bruits (celle des prochaines "heures"). Comment, à partir de mes nappes sonores, dessiner un parcours relativement précis de mes protagonistes ? J’en ai déjà parlé dans mon dernier épisode de Lire le bruit mais je ne peux que le constater : quelque chose m’empêche littéralement de prévoir à l’avance où vont aller mes personnages. Cette résistance est logique, je pense. À cause du minutage et des nappes sonores, j’ai déjà tellement de "matière" hors narration proprement dite que je n’ai qu’une chose à faire : trouver comment ils parviendront à s’y faufiler. Dans la vie, du reste, dès qu’on se décide à agir, on se retrouve confronté à ce qui ne nous a pas attendu et n’a pas forcément l’intention de nous laisser une place... Ce serait intéressant, me dis-je de noter durant vingt-quatre heures tout ce qui nous déroute, nous oblige à changer nos plans, même de façon minime.

Ainsi, à l’hôtel, ai-je été réveillée ce matin (et je n’étais pas la seule, visiblement) par de mystérieux bruits de déplacements de meubles, forts et insistants : pieds de chaises ou de lits raclant le sol, etc. Qui déménageait toute sa chambre, tôt le matin, et surtout, pourquoi ? Au petit déjeuner, les conversations d’un groupe de travail en séminaire ont ensuite influé sur ma prise de notes. Peut-être le vrombissement indéfinissable, mais puissant, d’un réfrigérateur dans l’open space du rez-de-chaussée, m’a-t-il, un peu plus tard, empêché de me concentrer, au point de me laisser penser que non, décidément, il n’y avait pas moyen de prendre de la distance sur ce que j’étais en train d’écrire et que c’était "la faute" du texte lui-même et de ses contraintes d’écriture — soit, exactement ce que je raconte dans le premier paragraphe de cet article — article que j’écris au lieu de continuer à chercher les lignes de force de mon livre, car je me demande si la femme de ménage, qui est juste à côté, va passer ou non...

Examiner ce qui parasite : voilà qui ressemble à Bruits, bien sûr. Et voilà pourquoi j’ai besoin de ce minutage, qui m’oblige à faire naître un grand nombre d’obstacles sur le parcours. En descendant, j’apprends qu’un jeune homme (un adolescent, plutôt) a tenté de fracasser la vitrine de l’hôtel, hier soir, avec une barre de fer, sans y parvenir, tandis que ses copains le filmaient. C’est encore mon livre qui s’écrit tout seul... D’accord, avançons ainsi.

(Sylvain Coher interrogé par Margot Bonvallet aux Vinzelles, le tiers lieu culturel de Volvic, jeudi soir)

Samedi Rentrée à Paris. Il s’est passé beaucoup de choses, durant ce séjour : une expo photo avec les étudiants, un atelier, un apéro littéraire fort intéressant avec Sylvain Coher à propos d’Étraves, son dernier roman, plusieurs discussions nourries où il fut question d’écriture. J’ai également effectué des enregistrements, écrit un peu de Delphines, continué ma relecture de Lier les lieux, élargir l’espace, pensé à mon futur épisode de podcast sur "le syndrome de la page pourrie". Il aurait été difficile de faire plus, je crois. J’y pense en me disant que, faute de réussir à tracer à l’avance le parcours de mes personnages, du moins l’écriture et le podcast m’offrent-t-ils l’occasion de prêter attention à ceux des gens que je rencontre. Là aussi, quand on les écoute, les obstacles sont nombreux. Comment résister ? Comment tenir ? Comment faire ce qu’on veut ? Immense richesse de ces partages, que je veux poursuivre, je le sais. Et si je discutais écriture avec une personne par semaine, à terme, ce ne serait pas la belle vie ?

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