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site d’Anne Savelli

Juillet 2020

mercredi 8 Juillet 2020, par Anne Savelli


(extrait de Sgowefygtom ! Sgowefygtom ! de Jean-François Bory)

Juillet a été l’occasion, pour moi, de réfléchir à la question du burn-out de façon plus globale, de commencer à m’intéresser au féminisme américain, à l’héroïsme féminin et à la sororité, et de continuer à me poser des questions sur la ville, la lecture et l’écriture.

Livres
Yougoslave, Thierry Beinstingel (lu)
Les Livres prennent soin de nous, Régine Detambel (lu)
Le Lendemain, elle était souriante..., Simone Signoret (lu)
Les "Petits livres d’or" : des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, Cécile Boulaire (lu le début, disponible en ligne)
Dernière sommation, David Dufresne (lu)
La Mer à l’envers, Marie Darrieussecq (à peine continué)
Orlando, Virginia Woolf (à peine commencé)
Monsieur Teste, Paul Valéry (à peine commencé)
Une femme avec personne à l’intérieur, Chloé Delaume (lu)
Ce livre, Guy Bennett (lu)
Comment je ne suis pas devenu poète, Hubert Antoine (commencé)
Mes bien chères sœurs, Chloé Delaume (lu)

Global burn-out, Pascal Chabot (lu). Livre paru en 2015, lu après être allée au festival Interférence_s (voir ci-dessous), avoir écouté un podcast sur place, un autre, plus tard, chez moi, enchâssé dans le premier (voir ci-dessous, à nouveau). Précisément, je pense que c’est ça, la culture : le fait d’attraper au passage ce qu’on nous propose puis d’effectuer à rebours le cheminement qui y a conduit avant d’étendre, soi-même, le champ. Ainsi remonte-t-on à une source qui en réalité n’en est pas une puisqu’à nouveau l’auteur en cite d’autres, qu’on pourra aller explorer. Ce que je retiens en particulier du livre de Pascal Chabot, c’est la distinction qu’il fait entre le progrès utile (technique, technologique) et le progrès subtil (humain, relationnel). Contrairement au premier, le second demande un apprentissage, une construction qui se font en reprenant, toujours, tout depuis le début. Ainsi faut-il apprendre à chaque enfant à lire, alors que la médecine, par exemple, s’appuie sur des progrès préexistants pour asseoir ses nouvelles découvertes. Les deux types de progrès sont indispensables à l’homme mais le second, le progrès subtil, est comme on le sait invisibilisé, non reconnu.
Le Guide du scénariste, Christopher Vogler (commencé)
Petite sœur, mon amour, Joyce Carol Oates (commencé)
Sgowefygtom ! Sgowefygtom !, Jean-François Bory (lu)
Marilyn, portrait d’une apparition, Marie-Magdeleine Lessana (commencé)

Articles
Les Petits livres d’or. Des albums pour enfants dans la France de la guerre froide, critique de Bérénice Waty, Bulletin des Bibliothèques de France
Notes d’écriture de Thierry Beinstingel sur Ceux qui restent de Benoît Coquart
Sororité, le défi : à propos de Mrs America, Simona Crippa, Diacritik

Films

Tokyo-Ga, Wim Wenders (revu) Si subtil, si respectueux chant d’amour d’un réalisateur pour un autre, en l’occurrence de Wim Wenders pour Yasujiro Ozu, disparu vingt ans plus tôt. Ce qui me reste spontanément, à chaque fois, entre deux visions de ce documentaire du début des années 80, c’est, dans le Tokyo filmé par Wenders, la fabrique des faux plats préparés en cire, réalisés à la dizaine, que les restaurateurs placent ensuite dans leurs vitrines : rien ne pourrait mieux combler mon goût de l’artifice que la vision de ces gestes minutieux qui font naître des légumes, des fruits imités à la perfection. L’autre point que je n’oublie jamais : la description précise, par Wenders et l’ancien opérateur d’Ozu, de la façon de cadrer du réalisateur japonais, une caméra fixe placée à raz du sol, ou presque, qui oblige celui qui s’en sert à tourner quasi couché - je croyais me souvenir que c’était à genoux, mais je confondais avec la posture du vieux couple dans Voyage à Tokyo. Et donc tiens, au passage, un peu d’apaisement :

Le Parti des choses, Jacques Rozier (sur le tournage du Mépris de Godard)

Mommy, Xavier Dolan. Ce n’est pas la première fois que ça me fait le coup : contrairement à la plupart des gens, si j’en crois la réception critique, je préfère les films qui précèdent "le" film dont tout le monde parle. Je préfère Sweetie et Un ange à ma table à La Leçon de piano de Jane Campion. Je préfère Les Amours imaginaires, Lawrence anyways et Tom à la ferme à Mommy de Xavier Dolan (que je préfère nettement à Ma Vie avec John F. Donovan). Je peux me tromper, bien sûr, mais j’ai la sensation que certaines personnes ont besoin d’attendre "l’œuvre d’après", celle qui, plus consensuelle, succède aux premiers travaux d’un auteur, si personnels qu’ils sont presque clos sur eux-mêmes, pour s’autoriser à aimer son travail et à le dire. Avant, c’est trop aventureux. Or, si Mommy surprend, à commencer par le choix du format de l’image (ne l’ayant pas vu en salle, je me suis bien faite avoir, et me suis réjouie de ne pas avoir réussi à savoir sur quel pied danser pendant les premières scènes), il ne surprend pas tout le temps, contrairement aux films précédents. Il y a une scène magistrale, en pleine rue, ou le jeune garçon, Steve, demande à sa voisine de continuer à l’aider à étudier et où elle ne répond jamais, toujours interrompue par sa famille à l’arrière-plan. On ne voit pas pourquoi elle refuserait. On se dit que si elle refuse, le film va s’arrêter. Mais pourquoi cette scène, si elle lui dit oui ? En quelques secondes, en silence, les questions se bousculent. C’est une scène d’un équilibre parfait. Elle prend le temps. Elle laisse faire. Elle dit beaucoup avec presque rien. J’aurais aimé que tout soit ainsi, me suspende comme je l’ai été à ce moment-là. Dans les scènes d’opposition entre les personnages, de pétages de plombs, j’ai souvent senti une violence jouée, pas assez contenue pour m’entraîner au cœur de la machine prête à exploser — contrairement à Tom à la ferme où j’avais peur pour le personnage joué par Dolan ! Bref, j’ai par moments senti les intentions et c’est ce qui m’a, alors, laissée à distance. Mais je suis exigeante avec le cinéma en général et Dolan en particulier...
Les Choses rouges, d’Arnaud des Pallières et Les Pigeons du square, de Jean Painlevé, deux courts-métrages qui n’ont rien à voir, deux étrangetés que je découvre grâce à la section Arts et essais de Mubi.

Cloclo, Florent-Emilio Siri, film vu en état de fatigue psychique, dont j’ai globalement pensé du mal, ce dont je me doutais à l’avance, mais peu importe. Ce qui compte, pour moi, c’est ce qu’il est possible de garder en mémoire de la monomanie (dont j’ai déjà dit qu’elle m’intéresse) et la volonté de contrôle de quelqu’un sur son entourage, voire sur le monde entier.

Paris, Texas, Wim Wenders. Revu en deux fois, me suis arrêtée à mi-chemin durant 24 heures et, vraiment, j’ai eu ensuite l’impression de ne pas voir le même film. Autant la première, en tout points parfaite, montre un héros en décalage dont la singularité, me semble-t-il, peut toucher tout le monde, et ce d’autant plus qu’il "faut" faire un pas vers lui pour le comprendre et tenter d’anticiper ses réactions (le timing qui les rythme me paraît vraiment remarquable). Il apparaît alors comme un personnage universel. Autant la seconde partie, dans laquelle il retrouve la femme aimée, m’a laissée dubitative, en particulier les dialogues/monologues entre elle et lui. Il s’agit quand même d’un homme qui a persécuté sa femme, pas seulement d’une histoire d’amour. Et le fait que cette femme soit à la fois tellement plus jeune et plus belle que lui ne peut être totalement anodin. Certes, cela permet de comprendre la jalousie possessive de l’homme. Mais quid de la femme ? Comment est-il concevable qu’elle ait pu aimer ce type au point d’avoir vu sa vie réduite à lui seul, dès le début ? Je ne dis pas que c’est impossible. Je dis que la question est évacuée par le réalisateur, comme si elle ne pouvait pas se poser. Or, elle se pose, cinématographiquement, à l’écran, car Natassja Kinski le dévore, cet écran : on ne voit qu’elle. Cependant, elle n’est vue que comme un fantasme, celui d’un homme qui s’imaginerait désirable devant une femme pareille — et là je ne parle pas du personnage masculin, mais du réalisateur lui-même. Au fond, l’homme reste perpétuellement au centre. Une distance manque, et qui me gêne.
Princesse Mononoké, Hayao Miyazaki.

Documentaires

Méditation, une révolution dans le cerveau, Alexandra Combe (ah, déjà tout oublié)

Les Damnés, des ouvriers en abattoir, Anne-Sophie Reinhart (disponible jusqu’à fin août, un documentaire à la fois précis et d’une grande pudeur sur les conditions de travail des hommes et femmes dans les abattoirs. On y entend, entre autres, Joseph Ponthus, dont le livre À la ligne, n’est cependant pas mentionné)
Jeffrey Epstein, Filthy Rich, Lisa Bryant et Joe Berlinger (mini-série de 4 épisodes sur Netflix)
Trois villes à la conquête du monde : Amsterdam, Londres, New York, Frédéric Wilner, série documentaire en quatre épisodes

Série
Mrs America, Dahvi Waller, saison 1 (9 épisodes de 52 mn)

Journaux filmés, ateliers d’écriture en ligne
Au lieu de se souvenir, journal du regard de juin 2020 de Pierre Ménard
Atelier d’écriture sur la ville et les noms de ses rues, Pierre Ménard

Expériences web
Les Sillons, Philippe de Jonckheere

Expositions

(((Festival Interférence_s))), Centre Wallonie Bruxelles. Première édition d’un festival de trois jours dédié à la création sonore belge francophone mais aussi française, dont je ne perçois qu’une partie car je viens le dernier jour et il y a beaucoup trop à entendre en une seule fois (mais tant mieux). La pièce sonore Frogsonota de Claudia Radulescu et Walter Hus, qui fait le lien entre chants de grenouilles et improvisation au piano, me plaît particulièrement. Et puis je découvre l’émission Jusqu’ici tout va bien d’Anna Raimondo dont on peut retrouver les premiers épisodes sur Radio Grenouille (située à la Friche, à Marseille, nous y avions été interrogés, avec Pierre Ménard, par Pascal Jourdana pour l’émission À l’air livre en 2012, heureux souvenir, au passage). Grande joie d’avoir devant moi de nouvelles perspectives d’écoute (voir ci-dessous).

Émissions de radio, podcasts, création sonore
La Fabrique de la guerre froide. Épisode 28 : Les livres d’or de la propagande américaine. La littérature enfantine en temps de guerre froide, par Anaïs Kien, avec interview de Cécile Boulaire. France Culture
Jusqu’ici tout va bien, émission d’Anna Raimondo : Burn-out et Maux d’amour.
Courage fuyons, Célia Dessardo, Atelier de Création Sonore Radiophonique
Je suis pas là, Charles Pennequin

Sur le fil, Yvan Hanon, un documentaire sur le burn-out qui fait parfaitement comprendre ce que c’est. Il dit dans Jusqu’ici tout va bien qu’il a eu l’idée de ce podcast en lisant Global burn-out de Pascal Chabot (voir ci-dessus).

Sur Ivan Oroc, Thierry Beinstingel, L’aiR Nu. Eh oui, j’ai pris le temps, mais j’ai enfin terminé l’écoute du roman que Thierry a écrit au fil des jours pendant le confinement dans la rubrique Ce qui nous empêche : il me manquait les derniers épisodes, laissés en suspens et repris pendant la lecture de Yougoslave. Du coup (et je le vois comme un privilège), j’ai découvert de petits fils tendus d’un texte à l’autre, un adjectif repris pour parler de la couleur des yeux d’un personnage, par exemple. Le personnage, en voilà bien un dont nous parlons chaque fois que nous nous voyons, Thierry et moi. Aussi ai-je pensé à nos conversations en écoutant le dernier épisode... Ce que je me suis dit, aussi, c’est que ce feuilleton, écrit et enregistré chaque jour, je le conseillerais volontiers à toute personne qui a envie d’écrire : il est rare d’assister en direct à la naissance d’un texte dont la publication ne permet pas de revenir en arrière, d’effectuer des modifications. On en mesure d’autant mieux le "métier" de Thierry (le mot n’est pas mis au hasard !).
À voix nue, Gisèle Halimi, Virginie Bloh-Lainé (cinq épisodes)
Affaires sensibles : Les Désaxés, le film maudit de John Huston, Fabrie Drouelle, avec Serge Toubiana

Galerie

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