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Dans le Saint-Etienne-Paris

dimanche 17 Juin 2018, par Anne Savelli

Avant de ne plus voir, de ne plus entendre, de ne plus se mouvoir aller chercher le fleuve couleur de meuble industriel ; les arbres et les toits, leurs ondulations sous la neige ; les wagons rouillés de l’enfance, bâchés pour le far west ; les dix, quinze cheminées d’usine alignées, certaines fument d’autres non, et chaque porte, chaque volet, chaque tournant de rue ; la laideur ; l’évidence ; les zones toutes les mêmes dont on se demande ce qu’on pourrait en attendre ; un débarras ; des plots, des bidons, un paysage d’hiver qui demeurera énigmatique, main géante tenant une boule verte – qu’est-ce que c’est, une réserve de gaz ?
Deux femmes parlent dans le wagon. On n’a jamais envie de s’immiscer, de réinventer les vies des voisins de parcours. Ce qu’on veut c’est au-delà de la mémoire des lieux, à la vitre, les espoirs et désirs de ceux qui n’y sont pas. Qui a posé ce banc ici, et pourquoi ? Depuis quelle heure cet homme qui chasse la neige est-il debout ? Que pensent ceux qui marchent, ceux qui s’activent, ceux qui restent au chaud ?
C’est peut-être simplement le bruit des ongles sur les touches, leur rythme.
Tout à coup un besoin d’écrire, lié à ce qui demeure : cette idée que je suis déjà ailleurs, partout où je peux regarder.
Les bavardes vont descendre à Lyon et personne, dans ce train, ne les reverra plus de la vie.
Tant de temps perdu. Mais quoi ? Quand le gagne-t-on ?

Tout à l’heure, une seconde de pure jouissance, dans la rue, sous la neige, à Saint-Etienne, à prendre une photo : faire exactement ce pourquoi on est fait, être en adéquation.

Notes du 2 février 2012

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