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Robe à cerises

mardi 5 Juin 2018, par Anne Savelli

La vraie country, celle de l’article sans doute je n’en ai pas idée. Le mot poisse et colle (folk aussi). Ou alors il faudrait une version noir et blanc, rodéo des Misfits dans le film de Huston, Marilyn en robe à cerises et Monty Clift blessé. Mais ne rien concéder de plus, et ne plus lire d’article.

Cowboy Junkies, The trinity session, 2008

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Lorsqu’elle est entrée, elle aurait voulu de la douceur, une robe à cerises mais tout ce qui aurait pu être ensoleillé s’est défait, dispersé, sapé par les éclats des montres de platine. Enragée, elle a sondé, disséqué les rayons (mode sensation était-il certifié) : rien. Ensuite a hésité : où trouver un succédané, quelque chose d’approchant ? Au salon de thé ? Au maquillage, chez les parfumeurs ? La librairie lui a semblé moins agressive.

Décor Lafayette, 2013

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Inge Morath, Cartier-Bresson, Bruce Davidson, Ernst Haas, Eliott Erwitt, Cornell Capa, Erich Hartmann, Dennis Stock et Eve Arnold qui, elle, restera trois mois : les voilà, je vous les présente ? Vous en connaissez certains, nous les avons croisés dans les salles précédentes. Chacun a son histoire, son passé, images sous la rétine qui se superposent à celles de Reno, Nevada, de la camionnette de Guido à la robe à cerises de Roslyn, du crin des montures à la peau tannée des cow-boys, sans compter le chapeau cloche de Paula Strasberg, le Stetson de Montgommery Clift ou celui de Miller, enfoncé au raz des lunettes pour échapper aux regards, au soleil, à son couple qui se délite : un monde se protège, se masque, s’oublie.

Volte-face

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Tout ce qui concerne Eva... Vous ne connaissez pas ma femme, monsieur, et pourtant je vais tout vous dire, tout ce que je crois du moins. Dans le désordre et vous m’en excuserez : si nous ne tentons rien elle mourra, elle va se tuer. Dans la nuit de samedi à dimanche, monsieur, oui.
Je commence ?
Le drame d’Eva, c’est de se prendre pour Roslyn.
J’ai cru d’abord à un déguisement. Brusquement, elle s’est mise à s’habiller de la même façon, à porter cette robe à cerises, vous savez, la plus célèbre du film. Le tailleur lui en avait coupées trois pour l’été. À l’automne, elle s’est acheté des jeans et un chapeau chinois.
Au lit, même chose : du jour au lendemain, je l’ai retrouvée en peignoir, un peignoir blanc probablement très cher mais elle n’en a rien dit, pas plus qu’elle ne m’a expliqué pourquoi elle avait sorti de l’armoire une kyrielle de robes noires, toutes les mêmes, dont le décolleté formait un v sur la poitrine.
Probable qu’elle commençait à m’en vouloir.

Eva, nouvelle inédite, 1997 (sans le lien, à l’époque, bien sûr)

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photographie d’Eve Arnold

Galerie

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