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Côte à côte - mon île

dimanche 4 Juillet 2021, par Anne Savelli


(Lella en bord de mer, Édouard Boubat)

Prendre le temps, maintenant que la restitution du projet de L’aiR Nu est passée, de réfléchir à ma propre île numérique. Autrement dit, penser aux moyens de ne plus utiliser la connexion que lorsqu’elle est utile et ne pas se laisser emporter par ce que le numérique voudrait faire de nous : des impatients qui démarrent au quart de tour, se sentent obligés de répondre sitôt qu’on les sonne et qui, en retour, ne supportent plus le silence.

Au café, le lundi, téléphone coupé, j’ai la sensation de retrouver un peu de la vie que j’avais à vingt ans, quand j’allais y prendre des notes. La différence, c’est que je sais aujourd’hui quoi écrire. J’ai deux beaux projets devant moi, Bruits l’énorme et Mystag divagations, le petit. Quel temps leur volent les messageries, les réseaux sociaux ? Trop, mais c’est surtout une histoire de fragmentation : le fait d’être interrompu.e à intervalles (ir)réguliers, la difficulté à se reconcentrer. La méditation m’apprend que bien-être et concentration vont ensemble. La concentration n’est pas une souffrance, un effort, un dépassement : c’est l’espace même du bien-être, dit-elle. Je décide de la croire.

Je poursuis l’autobiographie de Philip Glass, Paroles sans musique, que je voudrais finir dans les temps pour le rendre à la bibliothèque. Cette date limite est un bon prétexte pour décider que la lecture primera dans la journée sans culpabilité. Le livre est passionnant de bout en bout. Ainsi, Glass n’élude jamais les difficultés matérielles qu’il rencontre pendant toute la première partie de sa carrière : jusqu’à 41 ans, pour pouvoir écrire de la musique il est déménageur, plombier improvisé (sans diplôme) ou chauffeur de taxi. Ce qui paraît très éprouvant est aussi ce dont il fait son miel. Il explique par exemple que ses connaissances en plomberie vont l’aider quand il sera l’assistant de son ami Richard Serra, qu’il conduira dans un magasin de bricolage et à qui il conseillera d’utiliser le plomb pour ses sculptures. Serra entamera alors une série de "splach pieces", balançant du plomb fondu, que Glass est chargé de maintenir liquide, contre un mur, job qui lui permettra de quitter celui de plombier ! Cette capacité à se servir de tout, conjuguée à la certitude, depuis le début, de savoir où il doit aller et ce qu’il a à faire malgré les critiques, sont pour moi d’une grande stimulation. La prétention du "grand artiste" comme la fausse modestie m’agacent autant l’une que l’autre. Ici, rien de tel : Glass dit ce qu’il pense juste, sans minimiser ni restituer avec emphase son apport à la musique. Surtout, il ne cesse de citer les autres, de reconnaître en quoi ils ont pu l’aider. Petit plaisir personnel, au passage : la découverte de sa volonté de ne jamais vouloir enseigner, qui fait écho à la mienne (je développerai peut-être un jour, ici même, les raisons de cette résolution — ou peut-être pas) (contrairement à lui, par contre, je ne sais rien faire de mes mains, c’est dommage). Ce qu’il transmet, pourtant, c’est l’idée que malgré des années d’études et de réflexion on peut continuer à se sentir neuf devant le monde chaque jour ; à apprendre et à bousculer ses pratiques, le tout avec discipline : tout peut aller de pair.

Mercredi : conseiller la lecture de l’autobiographie de Philip Glass au bibliothécaire, acheter un agenda grand format qui démarre déjà cette semaine pour éloigner le confinement de rentrée et se relancer dans l’écriture ; pour la même raison, établir une liste de tous les thèmes abordés dans Bruits et "ranger" le bureau (redonner sa place à l’ordinateur, surélevé, rattaché à un clavier périphérique pour ne pas se casser le dos.

Dimanche : mille choses de plus à raconter dans ce semainier, lu un livre par jour toute la semaine, tenté de faire avancer les deux textes côte à côte, même peu, vu un nouveau Chantal Akerman (La Captive, d’après La Prisonnière de Proust, à la cinémathèque) et surtout, peut-être, découvert un podcast dont je suis accro et dont j’aimerais m’inspirer pour L’aiR Nu : je note d’en parler la semaine prochaine.

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