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site d’Anne Savelli

Quelques oiseaux

dimanche 23 Mai 2021, par Anne Savelli


(boîte à livres de la rue Consolat, Marseille)
Mercredi 19 mai

J’ai envoyé hier à la Marelle mon texte pour la revue. C’est un texte de l’avant 19 mai, de l’avant réouverture d’un peu tout dans le désordre. En voici un extrait, écrit le 29 avril :

Ce matin, j’ouvre le livre d’or des résidents de la Marelle dans l’appartement de centre-ville. J’y trouve des conseils de restaurants, de bars, le partage de lieux de culture. Les voilà lettre morte : au moment où je tourne les pages, le "non-essentiel" est partout. Le non-essentiel, c’est aussi bien une pièce de théâtre qu’une paire de chaussures, un concert, un verre en terrasse, une culotte. Qu’écrire à mon tour dans le livre d’or ? Parler d’oloé ? La bibliothèque L’Alcazar, dont je me suis réjouie il y a quelques semaines qu’on puisse y travailler, même s’il fallait rester masqués et à bonne distance : il est interdit de s’y asseoir (étonnement devant les affiches restées scotchées, demandant de respecter la concentration du voisin quand la pièce est entièrement vide, les tables entravées par un ruban de plastique qui fait penser aux scènes de crimes). Ou de l’appartement de la Marelle, que d’habitude j’adore ? Il pleut des cordes. Le voisin entame des travaux. Au moment où j’écris, il abat des cloisons : je ne sais où me réfugier.

Je savais en écrivant ce texte qu’il serait obsolète aujourd’hui, là, maintenant, là, tout de suite, aujourd’hui le 19 mai. Je savais également qu’il pourrait s’avérer futuriste (à l’été, à l’automne prochain ?).

À Marseille, J’ai essayé d’écrire le présent immobile de la pandémie, celui qui ne projette plus rien. Maintenant, nous sommes le 19. Nous y sommes, au fameux 19, et je suis à Paris. Alors ? Tout le monde sait qu’il pleut (le monde de Paris, le monde des réseaux sociaux). Vers 10h40, je suis allée boire un café en bas de chez moi, en terrasse, protégée de l’averse par l’auvent. À côté, deux jeune types en étaient à la bière. Ils avaient sans doute travaillé depuis tôt, parlaient foot. L’un montrait à l’autre des vidéos, le son était assez fort, puis ils se sont mis à fumer. Le vent a rabattu la fumée jusqu’à moi. J’ai pensé que pour moi, ce moment était en train de devenir désagréable. J’ai constaté que mon désir de terrasse les avait oubliés, ceux qui occupent le terrain et qu’ils ne m’avaient pas manqué. Je me suis dit que le confinement nous avait empêché de partager l’espace public avec d’autres classes sociales, quelles qu’elles soient, et que nous ne nous en étions pas rendus compte. Je suis repartie avec ce jugement-là noté dans un carnet, mon envie enterrée (pour l’instant).

(capture d’écran de Mon oiseau bleu trouvée sur le compte Tweeter du Désordre)
Vendredi 21 mai

Le soir, par contre, à la Maison de la poésie, fut tel que je l’avais espéré : une rencontre dans la grande salle avec Philippe de Jonckheere (que je croise depuis vingt ans sans qu’on ne se soit jamais rien dit d’autre que bonjour, il me semble), comprenant trois extraits lus de son dernier livre, Le Rapport sexuel n’existe plus, des questions tout en finesse de la journaliste Camille Thomine et, pendant les lectures, trois projections de pages du site Mon oiseau bleu, prolongation du livre par haïkus interposés défilant de façon ininterrompue avec photos, sons, vidéos, jeux de calques. Cette projection couplée à la lecture nourrit ma réflexion sur ce que je veux faire de l’objet web de la page de Bruits. Comment mettre la lecture du texte qui apparaît sur l’écran au centre de l’attention, comment faire vraiment lire le lecteur sans que la page ne soit d’une austérité glaçante ? Nous en discutons en ce moment avec Joachim Séné, qui a travaillé sur Mon oiseau bleu, justement.

Dimanche 23 mai

Je n’ai pas le temps de faire plus long, j’y reviendrai la semaine prochaine : Lya Garcia m’a donné hier "mon" exemplaire des Dossiers OX, première de plusieurs revues consacrées à son Manque d’espace et aux pigeons qu’elle crochète, un projet d’exposition auquel j’ai participé et dont on espère qu’il prendra bientôt son envol.

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