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S’absorber

dimanche 6 Décembre 2020, par Anne Savelli

Une fois de plus, je ne réussis pas à écrire ce journal durant la semaine et me retrouve, le dimanche matin, écartelée entre l’envie de le faire et le raz-le-bol des écrans. Car il n’y a pas de frontière, dans ma vie, entre ce qui est travail, lecture, écriture et loisir. C’est pendant le loisir que je trouve mes idées, pendant l’écriture que je les développe, pendant le travail que je les fais circuler et jamais, nécessairement, dans cet ordre-là. Quant à la lecture... Impossible de lire, le soir, quelque chose qui, éventuellement, pourrait me donner une idée pour l’écriture, sous peine de ne pas dormir comme il faut, donc impossible de lire. Je ne le fais que le matin, au réveil, avec un livre entamé la veille. Et encore, ces lectures très matinales sont nécessairement assez simples. Où caser Ulysse, que j’ai commencé à reprendre, mais ai, comme d’habitude, laissé de côté et dois donc re-re-recommencer (Ulysse est mon rocher de Sisyphe, tout comme Bruits, et ce n’est pas un hasard). Eh bien, à l’heure d’écrire le semainier, tiens !
Bref. Continuons tout de même à parler usage ou emploi de ce temps.

Une fois n’est pas coutume depuis le début de la pandémie - que dis-je ? Depuis ma seconde rechute du burn out il y a plus d’un an (breaking news : je suis à peu près guérie. Il reste des problèmes de sommeil, comme suggéré plus haut, et, surtout, la phobie de la foule et des transports en commun, qui n’est pas prête de disparaître), une fois n’est pas coutume donc - mais semble pouvoir le redevenir - j’ai été absorbée, littéralement engloutie dans (oui : dans) la même tâche trois jours de suite, durant un nombre d’heures (10 ou 12h par jour ? Plus ?) sans doute déraisonnable mais cependant incompressible. 

Qu’est-ce que j’ai fait ? Un diaporama sonore de 17 minutes (au lieu de 15) pour un colloque international (mais en ligne) sur les bas-côtés de la route, organisé par l’université de Montréal qui aura lieu la semaine prochaine.
Soit : un montage de sept de mes textes, leur enregistrement, la recherche de dizaines et dizaines de photos (je n’ai pas osé compter) et la mise en rapport des uns avec les autres via un logiciel de vidéo.

Qu’est-ce que je n’ai pas fait ? Répondre aux mails, aux coups de fil, faire la promo des Îles pourtant renouvelées (allez voir !), ajouter ici le 4e épisode de l’aventure moderne (ça va venir), ni la culture en cours de novembre (itou), ni m’occuper de la paperasserie, ni envoyer à temps une demande de subventions... 

On ne peut pas tout exécuter en même temps, contrairement à ce que mon cerveau voudrait croire (éternel débat de lui à moi, mais je deviens plus raisonnable : je pense à la chose que je ne fais pas pendant que je fais la chose que je fais mais je la remets à plus tard sans me poser de questions. Je m’oblige sans trop d’efforts à ne suivre qu’un fil par jour) (Seulement, le lendemain j’en reprends un autre, lâche le premier qu’il me faudra du temps, alors, pour reprendre... Mais bref !)

Et donc se plonger, s’engloutir, se laisser hypnotiser par la quête de la meilleure image possible (sachant que je ne prends plus de vraie photo depuis plusieurs années et que j’en ai perdu des centaines qui auraient pu me servir) (autrement dit : ne faire qu’avec ce qu’on a), se laisser fasciner par le chronométrage à la seconde près, le raccord, l’harmonie, le léger décalage : trois jours de suite, exit le covid, le terrorisme et tout ce qu’on voudra. Brusquement, pour soi, quelque chose fait sens, issu de matériaux pré-existants, né de la magie du montage. Quelque chose qui précédemment a été écrit et, au présent, se métamorphose, invente un autre récit.

Les extraits que j’ai choisis suivent la progression de personnages féminins en marche, souvent dans les marges. Je n’aurais sans doute pas l’occasion de le dire au colloque, c’est pourquoi je l’indique ici : le choix des livres raconte également, en filigrane, la complexité de leur publication : ainsi, Bruits (une petite fille qui fugue - texte en cours d’écriture) ; Décor Lafayette (une femme dans la foule - livre publié mais abandonné par l’éditeur, et donc épuisé) ; Franck (une femme se rend en prison - livre publié mais laissé inaccessible par l’éditeur pendant des années avant d’être disponible à nouveau, ce sans raison ni avertissement), Saint-Germain-en-Laye (une femme retourne sur les lieux de son enfance - livre paru mais très peu exploité dans la ville dont il est question à cause de mon burn out, puis de la grève des transports, puis du Covid) ; Volte-face (une femme est prise en photo sur une route juste avant la révélation de sa gloire - livre resté inédit, avec une constante : l’absence de réponse des éditeurs après un premier message pour le moins encourageant, à chaque fois ; texte qui paraît tout de même en feuilleton en fonction de mon énergie) ; Cowboy junkies (une femme marche le long d’une autoroute - livre publié mais très souvent inaccessible pour les libraires sans que je sache pourquoi) ; À même la peau (deux êtres non genrés se rencontrent - livre paru en numérique et papier, qui aurait pu avoir davantage d’existence si la pièce chorégraphique dont il est issu l’avait également pu).

Ainsi, la marge : ni un étendard, ni une marque de fabrique et certainement pas un supplément d’âme : simplement une réalité. D’où ma joie à savoir que mes textes vont passer les frontières.
Et donc, le colloque aura lieu les 10 et 11 décembre prochains et pourra être suivi en direct à cette adresse

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