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Une expérience

dimanche 15 Janvier 2023, par Anne Savelli


Voilà une semaine un peu compliquée à écrire, car sous-tendue par des restes de migraine qui refusent de s’évacuer vraiment, depuis samedi dernier. Pour l’illustrer (et parce que l’envie m’a prise, en ce début d’année, de réutiliser des photos qui se trouvent sur ce site au lieu d’en produire sans cesse de nouvelles), je choisis de ressortir certains dessins sur l’anamorphose qui m’ont servie pour Anamarseilles et la "femme bulle" du décor Lafayette.

Alors, que dire, dans ce brouillard ? Qu’avec Joachim Séné, nous nous sommes mis d’accord plus précisément sur ce que nous allions écrire pour La Boucle impossible, le livre destiné aux éditions Joca Seria, dans le cadre de la résidence de L’aiR Nu au bord du lac de Grand-Lieu. Nous réactiverons Dita Kepler (voir ci-dessous), mais créerons symétriquement un second personnage, dont les initiales seront également DK. Il nous faut également imaginer une sorte de feuilleton sur les réseaux sociaux : là aussi, nous pensons avoir trouvé ce que nous allons faire lors de notre nouvelle semaine de résidence — la troisième de ce mois de janvier.

Par ailleurs, Mathilde Roux a proposé cette belle oeuvre pour la carte de voeux du collectif :

Où il est question, dit-elle, de " cultiver les liens, multiplier les composites". C’est ce que nous souhaitons à tous ceux qui nous suivent.

Le mercredi, j’ai rendez-vous à la Maison de la poésie pour préparer une formation de deux jours destinée aux enseignants intitulée "Travailler avec un écrivain" que je co-anime avec Anne Mulpas et Séverine Daucourt chaque année. C’est devenu une tradition : le lundi matin, nous présentons notre travail aux participants, puis je propose quelque chose, sous forme de lecture et/ou de discussion. Le lundi après-midi et le mardi, ce sont Anne et Séverine qui interviennent, en animant des ateliers. Il est rare, dans nos vies (euphémisme), d’avoir, ainsi, des rendez-vous réguliers. Je suis vraiment reconnaissante à Armelle Stepien, responsable des relations publiques à la Maison de la poésie, d’avoir permis cette régularité.

Je suis venue avec une idée qui me trotte en tête : pourquoi ne pas transmettre un peu de notre vie quotidienne aux enseignants, qui ne nous voient jamais qu’en atelier ? Je propose à Anne et Séverine de constituer un texte à partir de mails que nous échangerons toutes trois durant six jours. Il s’agira, plus exactement, de consacrer 10 minutes (ou moins, bien sûr, mais pas plus !), chaque jour, à rédiger une liste des tâches que nous aurons effectuées, tâches liées à l’écriture et/ou à toute activité rémunérée. Si l’une d’entre nous considère que marcher, nager, cuisiner fait partie de l’écriture, elle l’inscrira dans sa liste.

Chaque jour, nous nous enverrons mutuellement nos listes par mail et je propose que nous programmions ces mails pour qu’ils arrivent à 18h dans nos boîtes respectives, quel que soit le moment où nous avons effectivement écrits, afin de ne pas parasiter nos sommeils respectifs. L’idée est de réussir à écrire et envoyer quotidiennement ses dix minutes. Charge à moi, à partir du septième jour, de faire se croiser nos textes afin qu’il n’en fasse plus qu’un.

Et donc, voici, un peu réarrangé, les notes que j’ai prises et envoyées à partir du jeudi :

Jeudi. Lecture du matin : Les Lionnes, de Lucy Ellmann (passage du cap de la page 100 - le roman en fait 1000 - pour la réflexion sur le monologue intérieur et le travail d’accumulation). Léger mal de tête. Je décide de "réviser" mes propositions d’écriture de l’après-midi plutôt que de me remettre à lire le texte en cours d’écriture (Bruits, dont je n’ai toujours pas fini de relire le début). Échanges de mails (voeux professionnels, etc.), coup de fil du banquier, documentation pour le livre en cours (quand même), achat d’un billet d’exposition pour l’après-midi. Départ à pied, en début d’après-midi, pour le lycée professionnel où je dois animer un atelier, en écoutant le 5e et dernier épisode du podcast "Paye ta vie d’artiste" conseillé par Mathilde Roux. Animation des deux heures d’atelier à partir de Chaussure de Nathalie Quintane, puis visite de l’exposition Musicanimale de la Philharmonie, située presque en face du lycée, pour Bruits. Je regarde mes mails pendant l’exposition (tss) et découvre que je peux donner le top départ de cette expérience à trois voix à Anne et Séverine. J’écris donc le résumé de cette première journée à l’intérieur de l’exposition en écoutant des chants d’oiseaux et de baleines. Je sens que je vais acheter le catalogue et revenir pour écrire. J’envoie d’ores et déjà mon message à Anne et Séverine pour 18h, même si la journée d’écriture n’est pas terminée.

Vendredi. J’ai oublié de dire hier que je tenais un journal chaque jour (pour moi) dans un carnet rouge et un second, hebdomadaire, pour mon site (ce semainier). Rentrée du lycée en écoutant une émission sur David Bowie. J’ai toujours voulu être écrivaine, sauf à 16 ans, où je voulais être David Bowie. Ce matin, après le carnet rouge, je commence par feuilleter le catalogue de l’exposition Musicanimale que j’ai donc acheté (pour Bruits). Parasitée par une idée qui me vient pour la restitution de l’atelier d’écriture au Louvre (au mois de mai !), je lâche tout et je la note. Ensuite, relecture de Bruits (lente). Publicité sur les réseaux sociaux de ma prochaine intervention, à la fin du mois, près de Nantes, sur le numérique + Marilyn Monroe, avec Joachim Séné. Lutte, comme depuis six jours, contre des résidus de migraine. Est-ce parce que je tente d’arrêter les somnifères, parce qu’il y a des travaux sous mon appartement ? La relecture du texte, dans cette lutte, va à 2 à l’heure, mais c’est mieux que rien, me dis-je — ou alors non, il faudrait ne pas lutter, sans doute. Je constate que lorsque je relis, je m’arrête tout le temps et/ou je ne lâche pas, que c’est la même chose, le même mouvement. Puis, perceuse. Je craque, je sors, vais commander le livre posthume de mon amie Delphine Bretesché, La Femme à l’oreille cassée. Projet de livre sur Delphine, bourse demandée, en attente de réponse. Tentée de commencer à l’écrire, hier, au lieu de Bruits. Abandon de l’idée d’aller écouter une lecture pour les femmes iraniennes à la SGDL ce soir. Regret, mais migraine : c’est ainsi. Envie sournoise de me rendre à l’Ircam, moins loin. Mais non, repos.

Samedi Je commence la journée en reprenant les notes envoyées à Séverine et Anne pour les intégrer dans le semainier. Puis j’intervertis le processus : je poursuis l’écriture du semainier en sachant que ce que je tape sera converti, à 18 heures, en notes du samedi, envoyées par mail. Je suis très contente de ce début d’expérience. Je me dis qu’elle pourrait être pratiquée par beaucoup de monde, par tous ceux qui — pour des raisons structurelles, en réalité — ont toujours l’impression de ne pas en faire assez, ou trop, ou les deux, plutôt, dans le travail. Pendant que je tape ces phrases, trois mails m’arrivent pour me faire remarquer que je n’ai pas rempli cinq formulaires administratifs (en italien : je ne comprends rien) destinés à me permettre de participer à un colloque à Bari, en Italie (non rémunéré : c’est la première et dernière fois que j’accepte...). On est samedi : je réponds, ou non ? On est samedi, les travaux sous mon appartement reprennent. Je mets en ligne le 400e article de mon site. Puis je commence à répondre aux formulaires avec Google traduction, tâche irréelle (je dois remplir dans une langue étrangère des cases qui ne me concernent pas) mais qui, au moins, m’éloigne des coups de marteau. S’ensuit une prise de tête personnelle pour savoir si je vais vraiment me rendre à ce colloque non payé. Où est passé mon désir ? Pas de réponse nette. Je vais me faire couper les cheveux. Ma coiffeuse, à qui j’avais donné mon livre sur Marilyn après lui en avoir parlé pendant des années, est en deuil. Elle ne lira rien, ne verra aucun film, aucune pièce pendant un an, me dit-elle. Mais j’ai le droit de la distraire en lui racontant les petites aventures de mon livre, ce que je fais. Je rentre, finis de regarder Deux hommes dans Manhattan pour Bruits (je regarde tous les films de Jean-Pierre Melville pour Bruits). Je note une idée, après avoir cru que j’avais perdu mon carnet. Je crois que ma migraine d’une semaine est enfin terminée.

(Pour finir, j’ajoute cette note en bas de page sur Dita Kepler, retrouvée dans mon ordinateur, qui permet d’uniformiser cette semaine où il fut question d’elle et de colloque.)

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