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site d’Anne Savelli

Novembre et décembre 2020

jeudi 31 Décembre 2020, par Anne Savelli

Ce sont des mois durant lesquels, le dehors s’étant de nouveau replié, j’ai fait de même, évidemment : aucune sortie culturelle à l’horizon. Dans un gigantesque raz-le-bol de tout surveiller en général, j’ai par ailleurs allégé ma prise de notes culturelles, ne listant que les titres des livres lus. Que m’en reste-t-il, au moment de cette mise en ligne de fin décembre ? Réponses ci-dessous.

Livres

209, rue Saint-Maur, Paris Xe, Ruth Zylberman. Un des livres qui m’aura le plus marquée cette année, sans aucun doute. Il faudrait que j’écrive un article entier plutôt que quelques lignes sur ce récit-enquête parti sur les traces des habitants d’un immeuble pris au hasard, parce qu’il "appelait" l’autrice (je comprends ça si bien), merveille d’écriture qui a également donné lieu au documentaire que voici :

Manabé Shima, Florent Chavouet. Du même auteur, j’avais déjà lu un premier roman graphique, Tokyo sanpo, qui raconte sa découverte de la ville il y a une dizaine d’années. Le plaisir est le même à le retrouver croquer les habitants de Manabé Shima, une petite île de la mer intérieure de Seto, au Japon, sans attrait touristique particulier, où il se rend au hasard et qui va l’adopter pendant quelques semaines. Le ton est tendre avec les autres, légèrement moqueur envers lui-même. C’est réconfortant, tout simplement.

Soeur(s) de Philippe Aigrain. Là encore, il faudrait écrire un article sur ce roman d’anticipation polyphonique dans lequel Philippe Aigrain utilise l’ébahissement, la sororité et la poésie comme formes possibles de résistance face à la surveillance généralisée. Je voulais le faire quand je l’ai lu, n’ai pas pu. Heureusement, cet article a été écrit par Hugues de la librairie Charybde, à Paris. J’ajouterais simplement que, parle d’enfermement, Soeur(s) ouvre tant de portes et de pistes que je l’aurais aimé plus long — ce qui est évidemment bon signe.

Faussaires illustres, Harry Bellet. C’est parce que j’avais vu par hasard, en octobre, un documentaire du critique d’art au Monde Harry Bellet sur le marchand et célèbre arnaqueur Fernand Legros que j’ai eu envie de lire ce livre très enlevé, auquel un chapitre est dédié. On y apprend mille choses stupéfiantes (c’est ainsi que j’ai découvert en même temps l’existence d’un Tombeau de la famille Savelli, son exposition au Museum of fine arts de Boston et la révélation qu’il s’agissait d’un faux réalisé au XIXe siècle, exécuté par Rohrich, qui le faisait passer pour une œuvre de Mino da Fiesole, un peintre du XVe siècle !), choses qu’on oublie ensuite mais qui donnent envie de relire à l’infini l’un ou l’autre des chapitres où personne, dans le monde de l’art, n’est épargné (le tableau a-t-il préalablement existé ? Est-ce une copie ou une invention du faussaire pour faire plaisir aux collectionneurs qui espèrent toujours dénicher l’œuvre inconnue d’un artiste célèbre ? Un expert l’a-t-il authentifié ? Le musée s’est-il trompé ? Etc. Passionnant).

Utrillo, Francis Carco. Ce livre, récupéré grâce à Lya Garcia, traînait dans ma bibliothèque depuis des mois quand une impulsion m’a poussée à le lire. Carco y parle beaucoup de l’alcoolisme d’Utrillo, qu’on ne cesse de voir peindre, mais aussi entrer dans des cafés de Montmartre pour mieux s’en faire jeter ensuite. Le texte n’est pas vraiment structuré, se répète, comme si Carco, dans une sorte d’urgence à dire qui était Maurice Utrillo — et sa mère, Suzanne Valadon, également présentée comme une artiste de premier plan — à rétablir une vérité, n’avait compté que sur sa maîtrise de l’écriture et ne s’était pas relu. Tout cela n’a pas une grande importance, même si ce martèlement reste en tête. Ce qui compte, c’est le sentiment du vivant, du mouvant que Carco fait renaître en essayant de mettre en mots le besoin éperdu qu’avait Utrillo de peindre. Le discours de Carco sur l’alcool libérant la créativité semble très daté. Le portrait caustique qu’il fait des acheteurs, une fois l’artiste devenu célèbre, beaucoup moins (à lire avant ou à la suite de Faussaires illustres, au hasard !)
Marseille festin !, Delphine Bretesché (j’en reparle en janvier)
Refuges, Léon-Paul Fargue (lu)
Le Magasin du monde, Sylvain Venayre et Pierre Singaravélou (un chapitre le matin au réveil)
On ne peut plus dormir tranquille quand on a une fois ouvert les yeux, Robert Bober (lu et utilisé en atelier)
Ulysse, James Joyce (continué)
La Société comme verdict, Didier Eribon (lu)
Voyage avec Vila Matas, Anne Serre (lu)
Des étoiles et des chiens, Thomas Vinau (commencé)

Radio

Fip, Fip et encore Fip. Besoin, ces temps-ci, d’entendre de la musique, les voix des fipettes et c’est tout : pas d’actualité en direct, surtout pas de blabla promotionnel des uns ou des autres, pas de publicité. Sans doute faudrait-il ajouter des documentaires sur France Culture, quelques Pieds sur terre, les Affaires sensibles et autres "Nuits Charles Dickens" sur lesquelles je me suis endormie, mais je n’ai rien noté.
Traverser les forêts, documentaire de Judith Bordas, "L’expérience", France Culture (en dehors de celui-là)

Série
Le Jeu de la dame

Film

Au bonheur des dames, Julien Duvivier, 1930. Dernier film muet de Duvivier, bénéficiant d’un montage par moments très étonnant et moderne (la vie trépidante de la capitale au début, la phase de travaux du grand magasin qui tue littéralement le petit commerce ensuite). Dommage que Dita Parlo (à qui Dita Kepler doit son prénom, pourtant !) soit si peu intéressante dans le rôle de Denise. Je la préfère dans L’Atalante, nettement. Le film, tourné aux Galeries Lafayette et restauré par la cinémathèque, est visible en entier ici jusqu’au 31 mai.

Galerie

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