Fenêtres Open Space

site d’Anne Savelli

A l’instant

dimanche 15 Octobre 2023, par Anne Savelli

Cela fait plusieurs semaines que cette rubrique est difficile à tenir, non parce que je n’aurais plus envie de poursuivre, mais parce qu’il devient très compliqué de savoir où placer le curseur, tant les nouvelles de "l’autre côté" (la vie personnelle, dont je ne parle jamais) sont dures, ces derniers temps. J’ai déjà à demi-mot évoqué un deuil. Il y a eu, depuis, d’autres chocs concernant des proches, dont un que j’ai partagé sur les réseaux sociaux il y a quelques jours. Comment ne pas parler du neveu de ma meilleure amie, qui participait à la rave party dans le désert, près de la bande de Gaza, attaquée par le Hamas et dont la famille est, depuis, sans nouvelles ? Comment raconter ma petite vie d’écrivaine en faisant abstraction de ce que, par ailleurs, j’ai relayé ? Si je sais taire des choses qui me bouleversent mais sont sans rapport avec l’écriture, cette fois, il me paraîtrait étrange, puisque j’ai contribué, à ma petite échelle, à la diffusion des avis de recherche, de ne rien dire du tout. La vie personnelle et l’actualité se rejoignent, se percutent.

Pendant que j’écris, je découvre que l’ami avec lequel le neveu de mon amie était parti à la rave est mort, qu’il sera enterré à une heure tardive. Nous sommes vendredi, jour où je boucle le semainier depuis que j’ai ouvert ma page Patreon. La radio, ce matin, m’apprend que l’armée israélienne a donné 24 heures à un million de gazaouis pour évacuer leurs lieux d’habitation. Que se sera-t-il passé quand cet article sera en ligne ? L’accélération inouïe du temps, la sidération, je les sens toujours à l’oeuvre, quasi inarticulés, tandis que je m’informe.

Pendant que j’écris ce dernier paragraphe, avec cette mort découverte à l’instant, l’épuisement revient, celui des émotions trop fortes.

Pendant que je tape ces mots, à l’instant, on apprend la mort d’un enseignant à Arras, tué par arme blanche par un ancien élève. Un, ou peut-être même deux enseignants.

Tout ce que je tape, à l’instant, se précipite dans le vide.

Ici, il faudrait arrêter. Tout arrêter. Ne pas écrire autre chose. Pourtant, je décide de continuer.

(Il faut bien le passage furtif d’une femme enceinte dans le paysage, pour y arriver.)

Cette semaine, la vie d’écriture a été marquée par mon entrée en résidence à Clermont-Ferrand. Moments très chaleureux, dont j’aurais certainement parlé davantage en temps normal, mais dont je pourrais dire au moins ceci : j’ai réussi, durant chaque atelier et lors de la soirée d’inauguration, à rester enthousiaste et, je l’espère, un peu drôle et vivante — tout le monde m’y a, sans le savoir, beaucoup aidé. Est-il possible de continuer à tenir cette ligne ici ? Je vais essayer, non pas pour fuir, mais pour lutter contre le mortifère à l’oeuvre.

Et je vais commencer par ceci : la vidéo de la Compagnie Pièces détachées, qui me permet de retrouver, en images, mes amies Caroline Grosjean et Magali Albespy.

Fragments from pieces detachees on Vimeo.

Je continue par ces 2h18 d’entretiens avec Agnès Varda, en français mais à Los Angeles, au moment où elle reçoit son oscar d’honneur (elle a alors 89 ans). La Cinémathèque les laisse en accès libre jusqu’à début janvier. Je vous conseille de vous installer devant et de vous laisser porter, ça fait le plus grand bien.

(Ne cliquez pas sur l’image, j’ai capturé Agnès)

Et tiens, puisqu’elle aimait, entre autres, les ailes des anges, en voici un, face à l’hôtel Alexandre Vialatte qui m’accueille Clermont.

Si vous êtes à Paris, allez voir l’exposition Viva Varda à la Cinémathèque, elle est dense et complète, joyeuse et réfléchie. Elle donne envie de se (re)lancer dans des projets, d’insister, de créer des liens. Idem avec la biographie que Laure Adler vient de lui consacrer et qui m’accompagne depuis plusieurs jours.


(Oloé préféré par ce temps d’été qui régnait à Clermont, dans le jardin Lecoq)

Voilà. Cet article est scindé en deux, je le vois bien. Je le suis aussi. Et c’est ainsi que j’en finis pour aujourd’hui, fermant toute interface pour tenter de re-tricoter un peu cette Boucle impossible écrite avec Joachim Séné, où des forces fictives, destructrices, créatrices, s’affrontent.

Galerie

Cliquez sur une photo pour avoir le diaporama

Un message, un commentaire ?

Qui êtes-vous ?
Votre message

Pour créer des paragraphes, laissez simplement des lignes vides.