parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

Ce qui ancre
dimanche 29 Décembre 2019, par
1. Cela fait des semaines que j’imagine ce nouvel article sans savoir au juste ce que je vais y mettre. Il y aurait tant à écrire... Mais faut-il l’écrire, ici et maintenant ? Je commence par renommer la rubrique : de semainier, elle devient journal d’écriture parce que je ne me sens plus de promettre une mise en ligne hebdomadaire. Il s’agit de faire simple. En ce moment je ritualise, pour moi-même, un certain nombre d’actes (me soigner, respirer, marcher, lire, écrire, rêver, même) qui me permettront, je l’espère, de me remettre à travailler. Je ne peux en ajouter davantage.
2. Je choisis cette photo de cascade, aux Buttes-Chaumont, devant laquelle j’aime m’arrêter, dont j’aime écouter le débit. On dirait une gueule de lion à langue mouvante, déroulée sans discontinuer.
3. Pourquoi écrire cet article ? L’acte de mettre en ligne est à l’opposé de ce qui peut m’aider ces temps-ci : une suite de micro-actions (chercher une photo, l’enregistrer, la télécharger, taper une phrase, vérifier un nom, taper une balise, relire, etc). J’ai besoin au contraire de me concentrer sur une seule chose. Une chose à la fois, une seule fois par jour. C’est une relative illusion, car rien en moi ne fonctionne de cette manière. Du reste, quand au bout de plusieurs semaines je me remets à lire (si on excepte ce qui s’apparente à des fragments dans le flux, infos sur les grèves, par exemple, je n’ai pas réussi à me concentrer sur un texte depuis quand ? octobre ?), me reviennent dans un même mouvement ce que m’apporte la lecture dense et l’habitude prise dans l’enfance de lire plusieurs livres en même temps.
(devant moi, parmi les fragments dans le flux, on trouve des citations, mini modes d’emploi contre l’anxiété grandissante)
4. En cours de route, ces constatations :
– en cette période de convalescence, c’est lire ou écrire, pas les deux le même jour. Il y a illusion mais vérité aussi, dans ce besoin de n’effectuer qu’une seule tâche.
– plus les livres sont différents, mieux c’est.
5. Je n’ai réussi ni à lire, ni à écrire, ni à presque parler, ni à marcher seule pendant des jours. Je ne suis pas encore capable d’écouter les messages laissés sur mon répondeur et ne réponds que partiellement aux mails. À chaque fois, dans le burn out s’insinue la sensation de devoir tout réapprendre. S’y ajoutent la connaissance d’avoir guéri et celle d’avoir rechuté (je parle ici de ma seconde rechute, ou de mon troisième épisode de burn out, comme on voudra).
6. Tout réapprendre, mais sans plus agir comme avant. Exclure tant que possible les micro-actions, ne pas répondre dans l’instant, ne pas travailler dans les transports... Se faire son propre mode d’emploi. Le suivre.
7. Il n’y aurait aucun intérêt à détailler ici les soucis de santé. Par contre, noter que le retour à l’écriture a précédé celui de la lecture, en termes de concentration, puis que l’avidité à lire m’a forcée à délaisser l’écriture, voilà qui m’apparaît comme la matière même de ce journal.
8. En ce mois de décembre, j’ai donc lu ou commencé à lire Œuvres d’Édouard Levé, offert par Virginie Tahar qui l’a utilisé en atelier à Champs-sur-Marne, La Civilisation du poisson rouge de Bruno Patino et Trashed, BD de Derf Backderf inspirée par son expérience d’éboueur dans les années 1970, aux États-Unis. Puis, dans un second mouvement : Éloge de l’ombre de Tanizaki, J’ai oublié de Bulle Ogier, Renaître de Susan Sontag, Punk rock et mobile home de Derf Backderf et Connaître et valoriser la création numérique en bibliothèque, ouvrage écrit sous la direction de Franck Queyraud auquel j’ai participé. Trashed a été le premier ouvrage que j’ai réussi à lire en entier. Ce ne fut pas une petite victoire. Parmi ceux que je cite, un certain nombre sont en cours de lecture ou à peine entamés. Je les cite quand même : j’ai envie de les terminer.
9. J’ai commencé à écrire cet article pour ne pas m’attaquer frontalement à la relecture de Des oloé, qui reparaitra le 29 avril prochain chez publie.net dans une version augmentée que Guillaume Vissac vient de me renvoyer annotée. J’ai peur de cette confrontation, ce qui est idiot mais ne vient pas de nulle part : la dernière relecture des épreuves de Saint-Germain-en-Laye en juillet, couplée à la canicule, a déclenché ma première rechute. J’étais alors, comme je le suis maintenant, à la campagne dans l’oloé 2 (mais l’hiver vient de débuter, je suis en train de récupérer, tout le monde autour de moi sait qu’il ne faut pas me stresser. Bref, la situation n’est pas la même). De plus, Guillaume m’a confiée une petite mission, à la fin du texte. J’ai envie de relever le défi.
(banc de l’oloé 2 à une autre saison, l’an dernier) (cette année, pas de pommes)
10. Je ne rédige pas cet article pour cette unique raison (me défiler). L’un des livres entamés, Connaître et valoriser la création littéraire numérique... agit sur moi, me donne envie de rouvrir ce site. En ces temps où un certain milieu littéraire (que je ne connais pas) se montre sous un jour détestable, se retrouver dans un livre parmi des amis de longue date fait plutôt du bien. "Il faut éduquer à cette histoire du livre à l’ère numérique car c’est déjà une histoire", écrit en préambule Franck Queyraud.
Maintenant, retour aux oloé (ou à la lecture d’autres livres) (ou les deux, peut-être). Cela fait trois jours que j’ai commencé cet article...
(ci-dessous, l’atelier reconstitué d’Alberto Giacometti, qu’en réalité je préfère avoir imaginé toute ma vingtaine que découvert derrière une vitre)
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Messages
1. Ce qui ancre, 29 Décembre 2019, 16:33, par Claude Enuset
Anne, ces rechutes trouvent écho chez moi. Je ne peux que vous souhaitez le réconfort dans ces lectures croisées et en accordant du temps à ce que le temps demande, nécessite.
J’ai souvent lu ce semainier/journal. On s’y projette, on s’y retrouve.
On vous y retrouve et c’est amical.
Et bien d’accord avec "Se faire son propre mode d’emploi. Le suivre"
Claude
1. Ce qui ancre, 5 Juin 2020, 10:04, par Anne Savelli
Bonjour Claude,
Je suis désolée de ne répondre que maintenant, des mois plus tard : je découvre votre message ce matin seulement, à la faveur d’une mise à jour de mon site. Mais je suis très contente de le lire, en pleine réflexion que je suis sur la suite à donner à ce qui nous anime.
Je vous souhaite une très bonne journée,
Anne