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Choses bouclées, mots sous l’aube

dimanche 20 Avril 2025, par Anne Savelli

(Oeuvre de l’artiste japonais Yunoki Samiro, rompu à l’art du katazome, teinture traditionnelle au pochoir, datant de 1979, que j’ai à peine le temps d’apercevoir puis de capturer sur Facebook avant que l’algorithme ne rafraîchisse la page sans me demander mon avis. Je fais alors une recherche Google image pour la retrouver, mais le texte qui mettait en contexte les différentes oeuvres présentées a disparu, preuve, s’il en était, que les réseaux sociaux nous permettent des découvertes, peut-être, mais pour mieux les subtiliser. C’est exaspérant.)

Mardi Réflexion, depuis hier, à propos d’un nouveau dossier à monter pour L’aiR Nu. Après quelques recherches, rédaction du projet, nettoyage du CV puis envoi par mail : quelle efficacité, me dis-je, contente. C’est d’autant plus vrai qu’ensuite, ayant décidé de retourner à la piscine, je me rends compte au fil de la nage qu’une nouvelle idée de livre me vient.

Ça fait cinq, ou même six (idées de livres).

Ensuite, dérushage du commentaire du nouvel épisode de Faites entrer l’écriture, avec souvenirs du salon qui commencent à s’inscrire dans l’oreille. Quand j’en serai au montage, demain, je saurai peut-être comment j’ai vécu ces deux jours.

Hier, j’ai relu une nouvelle de Janet Frame, pour mieux penser au "nouveau dossier", et cela m’a immédiatement plongée dans une sorte d’intimité merveilleuse. Il faut vraiment que je retourne à Frame, qui m’accompagne depuis que j’ai 23 ans.

Ce qui serait bien, ce serait que je la traduise, oui, sans doute. J’y ai été poussée par un de ses traducteurs, sur Facebook (plateforme que je critiquais il y a quelques instants, critique que je poursuivrai) il y a facilement 20 ans et je n’ai jamais osé m’y coller. Lire sa biographie en anglais, à côté de mon lit depuis des mois, serait déjà une première étape.

Le soir, j’apprends que notre proposition "enchante" l’enseignant-chercheur qui l’a reçue et enverra le dossier complet demain aux financeurs (rien n’est gagné, à ce stade, encore). Tout en travaillant, je n’ai cessé de rêver, hier, à ce qu’on pourrait faire, c’est pourquoi, après ce message : joie, allégresse, doigts croisés pour que ça fonctionne !

Mercredi Grâce à cette bonne énergie, je réussis, avant la fin de la matinée, à renvoyer Bruits en lecture, non sans avoir noté tous les changements dont je me souviens — pour me rassurer, sans doute, mais aussi, s’il le souhaite, pour mon éditeur. Voilà. Libérée délivrée, en tout cas, pour quelques jours !

Jeudi Podcast terminé, monté, mixé, mis en ligne, programmé. Satisfaction d’avoir, cette semaine, "bouclé" trois choses. Ce qui est bien, avec le podcast, c’est qu’il mobilise et oblige à se focaliser entièrement. On crée sa matière sonore (commentaire, entretien, bruitage, recherche d’archives, de musiques), puis on joue avec. On ne reprend pas tout, perpétuellement, ex nihilo, comme je l’ai fait dans Bruits, où chaque minute écrite convoque l’énergie du démarrage.

Vendredi Aujourd’hui, en attendant de voir mon éditeur, qui n’aura pas eu le temps de relire ma nouvelle version (je suis tranquille, de ce côté-là, pour huit jours minimum), je fais du ménage sur mon ordinateur ou, plus exactement, je tente de rapatrier dans un seul gros dossier tous les extraits de textes d’auteurs que j’ai pu lire (et, nécessairement, scanner ou recopier) lors de déambulations et d’ateliers d’écriture depuis la nuit des temps. Une déception m’attend : j’en trouve moins que prévu. Peut-être ont-ils été perdus au fil des renouvellements d’ordinateurs ? Peut-être, également, ai-je majoritairement lu les extraits prélevés dans les ouvrages, directement. Je ne sais pas.

Cependant, je retrouve ce texte d’Anna Jouy, disparue le 5 avril dernier, que j’avais lu et utilisé pour faire écrire des enseignants au Louvre en 2014 :

Invendu
quelque chose à ne pas oublier de moi : frissonne beaucoup avec avant et pendant. ce froid qu’il fait si souvent dans la bouche comme un glaçon qui tombe. les mots durs, craquant à sauter sur l’émail. tremble de froid. de peur aussi. 
frissonne d’une façon d’herbes sous les piqûres. par secousses. presque invisibles, ou alors seulement si on y prend garde. me fais du mal pour trois fois rien, pour des virgules de traviole ou des mots au sens triple ou plus -trop profond- qu’ils se disséminent et m’échappent. usages trompeurs. masques. ces choses que l’on cache par en-dessous et qui font des couteaux sous la manche. 
quelque chose à ne pas oublier de moi : prends tout d’une seule brassée ouverte. cela fait beaucoup à mettre dedans d’un coup. souvent c’est trop. on peut pas faire. parce qu’on n’est jamais assez fort. épreuves avec tirage. ça crame dans le système électrique. clignote sur panne intermittente mais c’est jamais que le courant qui passe et me fait vivre 
quelque chose à ne pas oublier de moi : aime échapper m’échapper sans qu’on me laisse vraiment partir. ne partage pas grand chose. m’ angoisse d’être douce. si froissable, tissu sans apprêt. ou alors trop de crins. terrain vague et plantes compagnes. fibres tressées mêlées. peine à retrouver mon origine. en mâle d’étiquette. 
quelque chose à ne pas oublier de moi : m’obstine, même à tort. dire une erreur me coûte souvent un bras d’honneur. fais plutôt l’aumône- je sais c’est pas à dire- . pense que tout le monde a raison quand même. faudrait juste laisser faire. n’aime pas qu’on lui explique- why ? c’est humiliant à la fin. explique pas. 
quelque chose à ne pas oublier de moi : difficile, dure à aimer. voire impossible. comprends par habitude. au clair. incompétences sûrement viscérales. laisse tomber. elle aussi.
(Mots sous l’aube, mercredi 25 décembre 2013)

Je me rappelle l’étonnement de certains enseignants devant le désir d’Anna Jouy d’écrire et de publier des textes tout au long de la journée, du matin au soir, organisant son site pour que les six entrées du jour (Aube, matinée, midi, après-midi, soir, nuit ? Je le dis de mémoire.) soient accessibles, en colonnes, sur la page d’accueil. Projet titanesque, impossible, dont je ne sais combien de temps il a duré. Reste cette présentation en colonnes et le nom choisi pour son site : Mots sous l’aube.

Vendredi soir Se remettre à lire, beaucoup, tous azimut, avec entrain, avec appétit, tel est mon désir en cette fin de semaine. Je lis, suis en train de lire, viens de lire, de relire, m’apprête à lire, dans l’ordre ou le désordre, Abyssal cabaret de Maryse Hache, Destin de clown d’Annie Fratellini, un livre sur Delphine Seyrig assez ancien et que je ne citerai pas, ne l’ayant pas trouvé très bon, ainsi que : Dans le cerveau des comédiens d’Anouk Grimberg, Villa Zamir d’Hélène Gaudy, Des milliers de ronds dans l’eau de Claro, les trois nouveaux Perec 53 (Le Timbre à un franc de Jean-Louis Bailly, L’Eternité comme un jeu de taquin de Sophie Coiffier, Place Saint-Sulpice les 18 et 19 octobre 1974 de Pierre Getzler, préface de Claude Burgelin, dont j’ai été la stagiaire il y a environ 35 ans durant deux mois, ce qu’ignore Thierry Bodin-Hullin et que je glisse ici, tiens, pourquoi pas ?). J’en profite pour dire que la thèse de Virginie Gautier, Poïétique du déplacement, en lien avec son livre Vers les terres vagues, vient d’être mise en ligne. J’aime depuis longtemps ce qu’écrit Virginie et le sujet m’intéresse au plus haut point (elle m’a d’ailleurs interrogé à ce sujet il y a longtemps). Tous mes livres, ou presque, s’intéressent à la question du déplacement, en particulier lorsqu’il concerne la traversée d’un lieu (ville, quartier, région, rue, musée, lac) par une femme. Et ce n’est pas Bruits qui va déroger...

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