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Ecrire avec et sans (images, liens)

dimanche 2 Février 2020, par Anne Savelli

Écrire sans image(s), toujours, mais peut-être cette fois en mentionnant ce qui, ici ou là, fait lien, permet de recentrer, de comprendre à nouveau pourquoi on fait les choses quand l’anxiété revient.
Faut-il se servir du lien hypertexte ou, pour éviter cette micro-action, prendre du temps à raconter ce que le lecteur, s’il est curieux, ira chercher lui-même ?

Écrire avec et sans liens.

En tapant cet article sans brouillon préalable, j’écoute la voix de Pierre Ménard. Il vient de mettre en ligne son journal du regard de janvier, Au lieu de se souvenir. Je l’entends lire, dire Mais l’image revient sans cesse. La vidéo passe sur mon téléphone, posé à droite de l’ordinateur. Par moments, je regarde mon écran, le clavier. À d’autres je ne vois que la vidéo, ne sais si ce que j’écris correspond aux phrases de ma tête. Parfois, tournant les yeux, tandis qu’il ne dit plus rien, je reconnais des lieux qu’il nous arrive de partager.

Pierre m’a interrogée il y a quelques jours sur la façon que j’ai d’écouter la ville et sur mon projet de roman, Bruits. Depuis, j’ai monté un dossier pour ce même projet. Pensant à Œuvres d’Édouard Levé il m’arrive de me demander si ce livre ne deviendra pas, pour finir, la somme de tout ce que j’aurais écrit à son propos (présentations, pistes, suggestions, résumés, non-dits) plutôt que le texte lui-même. Quoi qu’il en soit, j’ai écouté les 17 minutes de l’interview que Pierre a montées et sonorisées sur son site. Je les ai écoutées plusieurs fois, même : en ces temps difficiles, c’est une façon de s’ancrer, d’être au clair avec ce qu’on veut.

C’est nouveau, mais j’ai peur du silence, lui dis-je dans l’interview. Justement, pour cette même raison, je laisse se dérouler son journal du regard pour que sa bande-son m’accompagne. Cependant, au moment où je tape ces mots : rien. Ni musique, ni voix off. Je regarde. La caméra s’approche de ce qui ressemble à des billes, installation constituée de milliers de dés multicolores. Justement je parlais du hasard aux élèves de Saint-Germain, en atelier, ce vendredi... Je tourne à nouveau la tête : voici la gare Saint-Charles, son escalier connu par cœur. Se taire, sans doute se taire, dit-il. J’arrête la vidéo pour me relire.

À propos d’interview, il faut que je parle de l’entretien avec Gilda Fiermonte sur Cause commune, me dis-je alors (Côté papier... mais pas seulement, émission de radio podcastable depuis peu, ajoutée il y a quelques jours à ma rubrique "À voix haute"). Là encore, exposer son travail, de Marilyn à Saint-Germain, c’est s’en réassurer. J’aimerais que cela m’aide à reprendre le collier, me remettre à chercher une place pour Volte-face, poursuivre les mises en ligne du feuilleton sur remue.net. J’aimerais qu’on entende l’émission, qu’on m’en dise quelque chose. Mais je ne peux forcer personne.

Retour à la vidéo de Pierre Ménard. On écoute Éric Pessan lire un texte à Marseille mais le son est lointain. Je l’entends parler de connivence avec le lecteur. Je peux passer cette vidéo en boucle, si je veux, attraper d’autres bribes du texte d’Éric à chaque fois : luxe du temps, de la connexion.

Ce qui s’est passé cette semaine tient en deux moments forts qui divisent et rassemblent tout ce qui me traverse : la mort d’une amie de longue date, journaliste et artiste, Nadia Djabali, que je n’avais pas vue depuis des années mais avec qui j’avais beaucoup échangé quand nous avions vingt-cinq, trente ans. Le choc que c’est, que ça reste. Et puis, le lendemain de cette nouvelle, un atelier d’écriture avec les CM2 de Saint-Germain, le meilleur de ma vie sans doute, dont l’idée m’est venue grâce à une autre amie, artiste également, Lya Garcia.

Lya m’a offert un pigeon crocheté, premier d’une série de sculptures qu’elle veut "libérer" en les offrant à des gens qui, eux, lui donnent une chose qu’ils créent (un texte, un dessin, une recette de cuisine...). À la fin, les pigeons et les œuvres formeront la matière d’une exposition qui s’intitulera Le manque d’espace, référence à la très petite surface de l’appartement qu’elle occupe mais aussi à Perec qui (voilà notre hasard), est né rue de l’Atlas dans l’immeuble où Lya habite.

C’est en apprenant la mort de Nadia, sculptrice elle aussi, et peintre, que j’ai écrit mon texte pour Lya le jeudi après-midi. Le lendemain, j’ai proposé aux enfants de devenir des guides menteurs, des oiseaux et des œuvres d’art. Ils ont tous accepté.

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