parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

Ecrire dans le flux
dimanche 22 Décembre 2024, par
Lundi soir, cours de méditation en ligne après une journée peu amène. Ce soir, le fil, le thème, c’est la conscience mentale. Il s’agit "simplement" d’observer ses pensées et je décide donc, tout en maintenant la posture, de noter ce qui se présente. La visite à l’exposition Surréalisme, la semaine dernière, m’y incite, de toute manière — écrire n’importe quoi, sans relire, sans aucune visée littéraire, quelle délivrance !
Peut-on écrire en méditant ? Non, je ne crois pas. L’écriture telle que je la pratique, c’est le contraire.
Ne pas se bloquer sur ses pensées, dit l’enseignante. Ne pas en faire des ennemies. Elle nous demande de méditer, durant une minute, sur ces pensées qui nous traversent puis de décrire ce que nous venons de vivre. Voilà donc ce que j’écris, à toute vitesse, dans l’espace de discussion :
J’ai vu le chemin parcouru aujourd’hui pour aller faire un examen médical (le lieu, le quartier). J’ai pensé au livre que je suis en train d’écrire, très difficile, et qui est "minuté" (pour moi, une "minute", c’est un paragraphe ou une page d’écriture, c’est pourquoi le mot "minute" m’a ramené à ce que j’écris). J’ai pensé au fait qu’en attendant mon résultat médical, je pensais à mon livre et aux difficultés qu’il engendre [1]. J’ai pensé que je l’écrivais comme on examine ses pensées, justement. Ce que je tente d’écrire, c’est le flux.
(Je m’aperçois que j’analyse beaucoup plus précisément mes pensées que les autres participants, qui restent assez flous. Est-ce par habitude ? Par métier ? Par manque d’inhibition ? Je ne sais pas. Je réalise, en tout cas, que ma pratique me rend assez différente des autres.)
Continuons. Une pensée est faite d’images, dit l’enseignante, de sons, de mots, de phrases, de sensations, de tonalités. Entre deux pensées, le gap, c’est la conscience ouverte (je note). Son interprétation du mot pensée est vaste. Ce n’est pas forcément une construction intellectuelle. C’est une chose éphémère, qui se dissout comme un flocon sur une plaque chaude, dit-elle (je note), ça ne laisse aucune trace. L’enchaînement d’une pensée à l’autre, elle le compare à de la danse et c’est fou, car c’est exactement ce que je cherche à écrire, sur lequel je peine depuis tant de jours. En observant la pensée délibérément, elle diminue, dit-elle encore, car elle ne nous contrôle plus (je note). Il faut la regarder comme on regarde un film (à nouveau, cela résonne extraordinairement, sur le moment). Elle dit encore que la pensée d’il y a cinq minutes n’est plus exactement la même que celle qui se forme, maintenant, quand on cherche à y repenser. À nouveau, c’est ce que tente de dire un de mes personnages...
Il faudrait retravailler Bruits en méditant, alors, jusqu’au bout ? (Je suis à nouveau en semi-phase anxieuse, tout est bon à prendre.) Ce que je cherche, c’est à stabiliser ma pensée, sans jugement, en espérant... Il ne faut pas être dans la rivière, mais marcher à côté, dit alors l’enseignante. Ah. Si elle savait ce qui se trouve dans la rivière de Bruits....
*
Photo : une oeuvre sans nom de Joseph Cornell, trouvée grâce au Moma.
[1] ce qui est à la fois une victoire sur la peur de la maladie et le signe d’une certaine obsession
Messages
1. Ecrire dans le flux, 22 Décembre 2024, 15:03, par Gilda
"(Je m’aperçois que j’analyse beaucoup plus précisément mes pensées que les autres participants, qui restent assez flous. Est-ce par habitude ? Par métier ? Par manque d’inhibition ? Je ne sais pas. Je réalise, en tout cas, que ma pratique me rend assez différente des autres.)" : C’est peut-être une histoire poule-œuf. Je crois pour ma part que ne parvenant pas à ne pas penser ni à ne pas penser à ce que je pense, si je ne suis pas coincée par d’autres activités, ben j’écris. C’est la soupape de la cocotte-minute, quoi.
Après, toi tu es passée à une pratique professionnelle, il n’empêche qu’au départ, c’était peut-être quelque chose comme ça.
Et que peut-être plein de gens ne pensent à rien, la plupart du temps, ou seulement à des choses parfaitement terre-à-terre et en aucun cas à des imaginations. #AirPensif