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En revenir au semainier

dimanche 14 Juin 2020, par Anne Savelli

Question du vendredi soir : si je nomme à nouveau ce journal d’écriture le semainier, vais-je réussir à le tenir à nouveau une fois par semaine ? Est-ce qu’en retour cela va m’apporter quelque chose ? Cela fait un moment que je me le demande. J’aurais envie, aussi, d’ouvrir une rubrique qui concerne mes lectures, une autre sur la marche (le fait de marcher) mais j’ai appris à me méfier de ces engagements à soi-même : généralement je les tiens et alors, je finis par m’épuiser car une phrase me revient en boucle : il ne se passe rien.

Ça n’empêche pas l’envie : je tape ces mots alors que j’ai déjà renommé la rubrique.

Je tape ces mots pour éloigner l’homme imaginaire (c’est toujours un homme) qui vient me dire que ce que je fais n’a pas d’utilité puisque ça ne se vend pas, pas assez du moins pour mériter son respect — qu’est-ce que j’en ai à faire, du respect d’un homme imaginaire ? Rien, mais c’est toujours long de s’en détacher.

(cinq minutes de trop)

Et comment tenir ce journal une fois par semaine, me dis-je ? Choisir, comme Guillaume Vissac pour le carnet de bord de publie.net, d’écrire le texte dans un carnet, jour après jour, le recopier le dimanche et le mettre en ligne ensuite ? Ou me servir d’Evernote dans mon téléphone ? Peut-être (l’un ou l’autre). Ne plus taper directement dans l’interface du site de mon ordinateur, en tout cas (ce que je suis en train de faire, précisément).

Je tape ces mots parce que chaque matin je lis un peu de ce que Virginia Woolf écrit de l’écriture, pas assez mais suffisamment pour que cette lecture m’accompagne durant la journée.

Faut-il dire ce qui se passe, ce qui ne se passe pas ? Faut-il rapporter fidèlement les textes qui s’écrivent, les livres qui paraissent, les dossiers qui se montent ou s’exhorter plutôt, ici, à reprendre le roman en cours ? Je ne sais pas. Et j’arrête pour ce soir : d’écrire ces lignes m’inquiète. J’ai peur, en reprenant cette rubrique, de ne plus avoir ensuite l’énergie du journal personnel. Écrire, c’est comme marcher : on ne sait jamais si ça va vous donner de l’élan ou au contraire vous siphonner.

Ce qu’il faudrait raconter, me dis-je le samedi, c’est peut-être seulement le participe effaré employé par Gilles Deleuze quand il pense aux gens cultivés et ce qu’il dit des vraies rencontres, des périodes riches et pauvres de la création. Ou Virginia Woolf publiant elle-même ses livres et sans doute doublement contente quand enfin ils se vendent. Ou ce qu’il faut regarder sur l’écran le plus grand possible quand on est atteint de fatigue psychique : Le Cercle rouge de Melville ou un film de Tati, pour leur absolue précision et leur épure, seule source de repos. À distance, en spectatrice, lectrice, j’aime les obsessionnels, ils me rassurent. Toute personne tenue par le désir vital de créer son monde jusqu’au plus petit détail, jusqu’au moindre atome, de plier le monde à sa mesure, soulage quelque chose en moi.

Le dimanche matin, je trouve un titre pour la rubrique sur mes lectures et la façon de la tenir. Je me dis que je n’ai parlé de rien, encore, dans ce journal d’écriture nommé, dénommé, renommé le semainier. Pas dit que dans la semaine, j’avais terminé la partie du livre que nous écrivons à deux, avec Joachim Séné, intitulé Lisières limites et que lui aussi a fini la sienne. Rien raconté de la difficulté que ça aura été pour moi de l’écrire, avant et pendant le confinement. Pas évoqué non plus la rubrique Ce qui nous empêche de L’aiR Nu, qui ne cesse de poursuivre sa route — quand c’est Pierre Cohen-Hadria qui termine son journal, Gilda Fiermonte y commence le sien.

Je n’ai pas parlé non plus de la sortie des Oloés le 20 mai dernier, de ce que j’en attends ou non. On pourrait s’imaginer qu’il y a là de grands événements, pour un auteur : la parution ou reparution d’un livre, la fin d’un texte en cours. Sans doute. Pourtant, ce qui compte pour moi ce dimanche matin, c’est la perspective de faire des changements sur mon site, de publier cet article et d’y ajouter la belle photo de Virginie Gautier qui emporte mon livre à la mer dans son filet bleu.

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