parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

L’énergie d’urgence
dimanche 16 Février 2025, par
Lundi Je me trouve dans la partie la plus ingrate de la relecture, ce moment où il faut réussir à faire un ensemble cohérent de dizaines (pour aujourd’hui, mais en tout, de centaines) de fragments "minutés" éparpillés dans plusieurs fichiers simultanés. Mon traitement de textes n’aime pas ces allers-retours et plante trois fois, sans que le travail effectué ait systématiquement été enregistré peu de temps auparavant. Je dois avoir tant de choses en tête simultanément que je me précipite, à chaque fois, pour recommencer ce que je viens de faire en espérant n’avoir rien oublié. Heureusement, je reporte un certain nombre de choses sur des "parcours" de personnages dessinés quelques heures ou quelques jours plus tôt, ce qui m’évite une trop grande casse. Mais c’est pénible. Au bout d’un moment, je crie que j’ai envie de mourir, puis je sors prendre l’air. Il pleut, il fait froid, je rentre, rebelote, fichiers, re-plantage, re-sortie. La nuit est tombée.
Le matin, je poursuis la relecture de la biographie de Susan Sontag. J’en suis au moment où on apprend qu’elle prend du speed (des amphétamines) pour réussir à travailler autant qu’elle le fait (c’est une gigantesque bosseuse), et écrit un texte dénonçant ce trait chez Jean-Paul Sartre.
Hier dimanche, excellente journée cependant, au ki-aïkido, d’abord (merci, Christelle, de me laisser illustrer cet article avec cette photo prise en haut du dojo, au moment où, seule ceinture blanche, je suis partie, laissant les gradés poursuivre l’entraînement), puis en tournage, pour le prochain épisode de Faites entrer l’écriture. Je n’en dit pas plus, mais on devrait se régaler à l’écouter !
(Montre à gousset brûlée lors du Grand tremblement de terre du Kantô, Tokyo).
Le lundi soir, est-ce que je regarde en replay Nevermore, le concert de Mylène Farmer au Stade de France ? Oui (MF a été l’un des personnages de La Boucle impossible), mais en accéléré. Ce que j’observe, ce sont les animations, les changements de costumes, les accessoires (oiseaux, trônes, tout ce qui la surélève, en quelque sorte), l’usage des couleurs, les décors : l’imagerie toujours la même, formant une bulle dans laquelle se trouve son public. Est-ce que j’ai une idée derrière la tête ? Oui, et il est possible qu’une autre me vienne, écrivant cela. Je note ici de m’en souvenir.
(J’admire au passage son absence de vertige.)
Jeudi Aucun souvenir de mon idée précédente, j’aurais dû la noter vraiment ! Avant-hier, à force de travail, j’ai enfin eu l’impression que j’allais bientôt maîtriser l’ordre de mon livre. Dans la foulée, et sous réserve d’avoir vraiment terminé, j’ai osé proposer une date de rendu à mon éditeur qui, sagement, m’a dit : "le texte d’abord". Pas de précipitation, donc, mais une sorte d’énergie d’urgence que je veux conserver pour rester concentrée et, surtout, ne pas me laisser envahir par le reste, que ce soit l’actualité, la toujours possible non-publication de ce livre, son échec, ou mes problèmes d’argent (en dehors de Patreon, je n’ai plus de sources de revenus). J’ai ressenti une vraie joie, qui n’a pas duré, mais c’est tout de même une avancée.
(Journal du Combat : des câbles partout ces jours-ci et le bruit du marteau-piqueur qui, à l’entrée de La Vie claire, m’a rappelé celui d’un hélicoptère.)
Ces jours-ci, je relis la dernière partie de Bruits, écrite l’été dernier, avant de revenir en arrière. Je n’avais pris alors, en tout et pour tout, que cinq jours de vacances. Pour l’instant, il n’y a rien à jeter, même si je corrige, bien sûr, réécris un peu, et vais peut-être supprimer une scène, ou du moins la resserrer. Ouf.
Il y a un côté sacrificiel, à mener à terme un projet aussi prenant, je sais bien (j’ai commencé il y aura 25 ans l’année prochaine). Mais, comme je l’ai dit à mon fils, avec lequel je marchais dans la ville, de nuit, hier soir, mon principal moteur, dans l’existence, aura été d’oser faire ce que je voulais faire, même si, jusqu’au bout, j’aurais été incapable d’anticiper ce que ce texte deviendrait.
Sur le chemin, nous sommes tombés sur des lettres dispersées par terre :
(La photo est de lui)
Un alphabet tombé du ciel, en pluie, c’est ce qu’invente Janet Frame dans son roman Les Carpates. Je l’ai mentionné rapidement dans Lier les lieux, élargir l’espace : les lettres et les signes de ponctuation s’abattent et effacent, en une nuit, les souvenirs des habitants d’une rue. Tout cela n’est pas si éloigné de ce que j’ai écrit, dans certains passages de mon livre. Plus d’une fois, je me suis raccrochée au souvenir de cette scène, ou d’une autre de Janet Frame, pour avancer, ne pas me dire que je faisais n’importe quoi.
Voilà les lettres réellement dans la rue, maintenant, devant nous, sur le trottoir. Quelques minutes plus tôt, je lui avais dit que j’aimerais lui dédier mon livre. Il a dit oui.
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