23/11/2015
Livre numérique
Diffusion : Immatériel
ISBN 979-10-90340-06-0
La vie, mode d’emploi, de mon immeuble : le feuilleton commence
dimanche 11 Mai 2025, par
(Le garçon sur le banc est en train de lire, je ne m’approche pas, ne veux pas le déranger.)
Lundi Les statistiques du semainier se sont envolées, hier, quand j’ai raconté ce qui se passait dans ma vie [1], omettant de dire qu’il ne nous restait plus que quelques jours avant que le bail ne soit renouvelé ; que nous avons, ainsi, été suspendus au passage d’une lettre, qui n’est pas venue, puis d’un huissier de justice (ou son équivalent, je ne sais pas), lequel a fini par taper aux portes et laisser des avis de passage. L’anxiété était là depuis des jours, en réalité. Maintenant, émotionnellement, c’est le grand huit. La colère, le mépris ressenti sont très forts, mais j’ai besoin de monopoliser toute mon énergie, comme déjà dit la semaine dernière, pour mener à bien mes projets et ne pas me laisser envahir.
Une des choses que j’ai pensées, c’est que j’allais feuilletonner, de façon subjective, ce qui se passe. Pour documenter, mais également pour me sentir soutenue, à la fois par l’écriture et par celles et ceux qui me liront. Merci, déjà, aux premières personnes qui m’ont envoyé des messages hier, que ce soit pour me poser des questions pratiques, m’assurer de leur sympathie ou me donner de premiers conseils. Merci à celle qui m’a écrit pour me dire qu’elle lisait un de mes livres, par exemple. Ce n’était sans doute pas un hasard. Merci à celles qui nous ont dit qu’au "pire du pire", elles pourraient nous héberger.
Update : je décide d’appeler ce feuilleton La vie, mode d’emploi, de mon immeuble, en abrégé LVMDEMI, qui devient, illico, un mot-clé de ce site.
Cet après-midi, nous allons chercher le courrier officiel à l’officine qui le détient (nous n’avons en main que l’avis de passage, pour l’instant), ce qui, me dis-je, va être remuant. En attendant, ce matin, je travaille sur le montage de mon nouvel épisode de podcast, lequel est consacré à un... oloé, autrement dit, un logement où lire où écrire. C’est troublant, bien sûr, et j’ai peur de ne pas arriver au bout. Heureusement, je m’appuis sur l’entretien que j’ai mené. Ce qui m’a été dit par l’auteur fait du bien à entendre — si vous êtes abonnés à ma page, vous pourrez le constater le 25, jour anniversaire, mais oui, de Faites entrer l’écriture, qui fêtera ses deux ans.
(Lutes, dont je collectionne désormais les graffs, est aussi passé par ici. J’étais en train de prendre la photo quand le rideau s’est levé.)
Le 25, ce sera également mon anniversaire, et comme je n’ai pas acheté un seul livre de toute l’année, je faisais mentalement, il y a quelques jours encore, la liste de ceux que je pourrais demander en cadeau. Aujourd’hui, je sais plus s’il est bien utile d’ajouter de nouveaux livres aux plus de 2000 qui s’empilent dans l’appartement. (Au passage, ne serait-ce pas le moment de les compter ?) Puis, je chasse ces considérations sacrificielles. C’est comme ne plus rien faire pousser sur le balcon sous prétexte qu’un jour, on n’aura plus de balcon. Samedi, pour penser à autre chose, je suis entrée dans le Monoprix de mon quartier, où je ne trouve jamais rien. Coup de chance, je suis tombée sur le style de vêtements qu’il me fallait pour déambuler dans Paris ou aller parler de Perec à Nantes. La dernière fois que c’est arrivé, c’était avant le Covid... Bref, j’ai mis l’argent du Patreon du mois dedans, sans me poser de questions, et voilà. Abonnées et abonnés, sachez que vous m’avez aidée à m’habiller, en ce mois de mai. C’est très concret, l’aide aux autrices et auteurs !
L’après-midi, après avoir bouclé l’épisode 24 du podcast (victoire), le moment vient d’aller chercher la paperasserie officielle chez l’huissier de justice. Sur le chemin, je découvre un bar dont le nom me fait sourire (voir la semaine dernière). Puis nous arrivons. Il faut, dit la sonnette, passer un par un. Nous entrons à deux dans ce qui ressemble à un sas. Le lieu, vitré, est totalement impersonnel, semblable à un guichet de sécu. Ses cloisons sont minces : malgré le dispositif (destiné à protéger les employés qu’on voit, à l’arrière-plan, consulter des ordinateurs, ouvrir et fermer des dossiers ? C’est ce que je suppose), on entend tout ce qui se passe. Contrairement à ce que j’imaginais, ce que nous venons faire ici, tout le monde s’en fout, ce qui permet de contenir, sans effort excessif, son émotion. Il faut donner sa carte d’identité ou son passeport, signer un reçu, attendre quelques secondes, c’est tout. Derrière l’hygiaphone, cependant j’entends ceci — le son est pourri, c’est normal :
(Si vous ne voyez pas le player, c’est qu’il est invisible, mais bien là tout de même, à gauche du minutage)
Durant le court laps de temps où nous nous tenons là, une employée, au téléphone, assène deux fois à son interlocuteur·ice (je suis persuadée que c’est une femme, au bout du fil, sans savoir pourquoi) "Vous vous débrouillez". C’est suffisant pour être significatif. Nous signons, nous partons.
Mardi Le podcast étant terminé, place aux bulles d’air. Je décide de préparer celle que je ferai spécifiquement pour mes abonné.es Patreon le 12 juin prochain. La tâche est prenante mais elle a, pour moi, un sens de plus en plus affirmé. Lors de mon repérage, je n’oublie pas de penser aux bruits de travaux, aux assises possibles, à la météo. Une fois rentrée, je découvre de nombreux appels à projets auxquels L’aiR Nu peut répondre, liés à Paris. Voilà qui tombe à pic.
Depuis quelques jours, je marche beaucoup et je sais une chose, déjà dite mais qui se confirme : je ne veux pas quitter ma ville. En ce qui concerne les tracas immobiliers, je ne peux pas tout raconter ici, du moins pour l’instant, mais je documente. Paroles, pensées, contacts, émotions : la vie, depuis quelques jours, se condense, s’intensifie. Ce que je remarque : quand j’annonce la nouvelle, les gens réagissent, individuellement, comme je l’avais imaginé.
Mercredi Ça s’accélère donc aussi côté travail. Pour répondre aux appels à projets, il faut imaginer plusieurs déambulations à la fois, aller prospecter, trouver des idées, les développer tout en continuant à lire, affiner les balades déjà actées. Les deadlines sont courtes mais je mesure ma chance : il ne fait ni chaud ni pluvieux, je n’ai pas encore de nouvelles de mon manuscrit, il y a de l’argent à la clé (peut-être, on espère). Alors allons-y, sans se poser de questions.
Tout, dans l’action, s’interpénètre, cependant. S’occuper de cette histoire de logement, c’est demander de l’aide. Répondre aux projets de la Mairie, c’est se mettre en position d’aider les autres (à traverser un lieu, à découvrir des oeuvres, à lire, à écrire, à s’exprimer...). Entre les deux, au coeur, au centre, Paris, Paris, Paris toujours.
Hier, pour me redonner de l’allant, j’ai regardé les vidéos dans lesquelles Pacôme Thiellement propose une visite, que ce soit au quartier latin ou à Montmartre. Outre sa culture et son éclectisme, ce que j’aime, c’est son enthousiasme, sa joie dans le partage. Ce soir, j’ai écouté Thomas Clerc, dont le livre sur le 18e s’arrache visiblement dans les bibliothèques.
Jeudi Quelques considérations :
1. Il y a certainement un livre à écrire sur le propriétaire qui a racheté l’immeuble. Mais j’en ai quatre ou cinq en tête, déjà.
2. Désormais, les voisins savent que je feuilletonne la situation, ce qui me pousse à me relire, à me corriger, à juger ce que j’écris. (C’est idiot, il faudra que je l’oublie.)
3. Il est impossible de penser conjointement à l’appartement et à l’écriture.
4. J’ai trouvé, je pense, une très bonne idée pour L’aiR Nu.
Vendredi Tout à fait, une très bonne idée, me dis-je dans un élan d’autosatisfaction. Un projet plus large, sur plusieurs années, qui permettrait de mettre en valeur tout ce que nous savons faire... J’en reparlerai certainement la semaine prochaine. En attendant, ce qu’il faut : prendre des contacts, travailler, rédiger, monter les budgets prévisionnels. Autrement dit : continuer.
[1] le propriétaire de mon immeuble met ses locataires à la porte pour, dit-il, faire des travaux dont nous n’avons, sur le moment, aucune idée, avant de soupçonner une transformation en hôtel haut de gamme. Depuis plusieurs mois, les appartements vides ont été transformés en locations meublées hors de prix, pour des périodes relativement courtes. Restent huit appartements occupés, qui sont donc concernés.
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