parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

Le prix des choses
dimanche 11 Septembre 2022, par
(librairie Gibert de Strasbourg Saint-Denis, Paris)
C’est dimanche et je ne sais pas vraiment quoi dire, pour une fois. Non qu’il n’y ait rien à raconter de la semaine, au contraire, mais, si je la regarde à distance, je trouve qu’elle n’a aucune unité. Des événements trop disparates se sont produits. Je ne peux pas tirer un fil, le suivre, fabriquer une pelote nouvelle. Je ne peux pas aligner les phrases et espérer retomber sur mes pieds. Ce semainier sera donc, comme les émotions qui m’ont traversées, chaotique.
C’est une semaine durant laquelle j’ai l’impression, parce que je n’ai pas suffisamment d’obligations à l’extérieur, parce que les activités de L’aiR Nu n’ont pas encore repris, qu’il ne se passe rien et où je me sens seule, avec mon livre hors de moi.
C’est une semaine durant laquelle, après les premières annonces tonitruantes (dans ma bulle, du moins) des prix littéraires de la saison, j’apprends à la fin que Musée Marilyn est sélectionné pour le prix Wepler, ce qui est une très grande joie (celle d’une reconnaissance dont j’ai besoin) et un soulagement (le livre ne disparaitra pas tout de suite).
C’est aussi le plaisir et la fierté de se savoir dans une si belle sélection :

C’est une semaine où, juste avant cette annonce, on apprend la mort de la reine d’Angleterre (événement que, depuis des années, chacun s’était forcément imaginé ne serait-ce qu’une fois, tant cette femme a toujours, contrairement à n’importe qui d’autre sur terre et peu importe ce qu’on pense d’elle, été là).
Bien sûr, sur quelques uns de mes réseaux, et même si j’ai fermé mon alerte Marilyn, voici ce que je vois :
(attention, c’est long à regarder)
Ou encore, qui me fait bien rire :

Une semaine, donc, où je me sens seule, alors que chaque jour je reçois des messages de gens qui lisent mon livre, me le montrent dans les librairies, s’apprêtent à le lire. Où je me reproche ce sentiment, le trouve dérisoire dans la marche du monde, ne peux rien y faire.
Une semaine où le nouveau prestataire qui s’occupe de ma piscine de quartier ferme ses portes en raison de la crise énergétique, paraît-il. La nage me permet, vaille que vaille, de tenir le cap depuis quinze ans, de supporter la précarité de mon métier. Elle évacue les tensions, me dégage l’esprit, me donne de nouvelles idées, me recentre vers les priorités. Cette annonce brutale n’est donc pas, pour moi, pas une mince affaire. Ma première impression : celle de se retrouver brutalement (le prestataire n’a prévenu personne, pas plus la mairie que la population) face à l’infra-ordinaire de la fin du monde, toutes crises mêlées. Trouver une solution. Boycotter désormais les piscines à prestataires : je suis à Paris, j’ai la chance, pour l’instant, de pouvoir le décider.
(j’avais prévenu que ce serait chaotique, ce semainier, sans hiérarchies, sans priorités)

(Paris, et sa rue Vilin, quand elle existait)
Une semaine où avoir l’impression de ne pas écrire, et pourtant si : Lier les lieux, élargir l’espace, le petit livre sur Perec, avance, malgré tout. En vrac, ces constatations : je ne comprends pas pourquoi je mets autant de temps à l’écrire. Grâce à ce semainier, je le sais, pourtant. Je n’ai aucune idée de ce que ça vaudra. J’essaye de faire simple et j’attends de relire ensuite.
Une semaine où, quelques heures après la joie de la sélection du Wepler, quand tout le monde parle encore de la reine et soupire d’en entendre parler, j’apprends la disparition de Christian Milleret, l’un des participants à mes ateliers d’écriture, et l’un de ses piliers. Un homme tant aimé, et depuis tant d’années. Un homme si fin, sensible, curieux et partageur. Un homme qui écoutait le monde, adorait la musique. Qui disait de lui, toujours, ce qui pourrait toucher les autres. On le savait malade, mais bêtement j’espérais.
Bêtement, j’espère toujours, en fait.
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Messages
1. Le prix des choses, 11 Septembre 2022, 12:24, par Claude Enuset
"Bêtement, j’espère toujours, en fait." est une phrase très émouvante.
Elle dit toute l’énergie parfois (souvent) au-delà de sa capacité d’énergie, qu’il faut déployer pour avancer, faire avancer, se voir avancer. Elle dit l’éternel recommencement du regard vers l’avenir, qui ne connaît pas encore les écueils qui vont se présenter, les désillusions, les ratés, les incompréhensions, les lois du marché, les réalités de la "culture".
Toujours ce semainier me donne à réfléchir.
Bonne semaine.
Claude