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Zigzags et programme

dimanche 9 Juin 2024, par Anne Savelli

Cette blague... De retour de Clermont, le lundi, je suis bien décidée à entamer le programme de travail lié à Bruits, programme qui, je le signale, n’a pourtant rien de faramineux, mais voilà que toute énergie se fait la malle, comme au temps du burn out. Mauvais sommeil, corps vampirisé, cerveau en jachère, etc. Je résiste, fais sonner le réveil chaque jour à la même heure, me lève et tente de faire ce que j’ai prévu, de suivre ma ligne. Un jour, deux jours, trois jours. Sommeil chimique, difficultés à me mouvoir comme si je portais, en permanence, des poids aux chevilles et poignets, non seulement ça ne s’arrange pas, mais ça empire. Je me demande : est-ce que c’est le retour à Paris, le jet lag que je paye encore, trois semaines plus tard ? J’ai tenu mes engagements, me suis organisée pour que rien n’entrave plus l’écriture et voilà que je m’empêche moi-même ou, plus exactement, que quelque chose en moi torpille ma volonté.

J’insiste, je me bats, je m’en fous, il faudra bien que ça plie : voilà le mantra. Je continue à mettre le réveil toujours à la même heure, à me lever comme si de rien n’était. Je tente de suivre mon programme "par blocs" (consacrer un temps précis, toujours le même, à une seule activité) à la lettre, quitte à en rabattre sur le rendement, mais le corps et le psychisme insistent, eux aussi, et m’écrasent de plus en plus. Fureur. Je ne suis plus que fureur contre ce qui m’apparaît, il faut se rendre à l’évidence, comme un refus inconscient de retourner écrire ce livre-là, Bruits, qui ainsi serait trop lourd, trop écrasant pour moi. Ah ah. Elle est bien bonne, vraiment.

F comme fureur, comme fuite ? Ça ne m’intéresse pas, de m’adapter à la situation, d’écouter ce qui se passe, de changer de stratégie, de reculer, peut-être. Je n’ai pas envie d’être raisonnable, adulte, réfléchie. Non. Raz-le-bol. Ce que je veux, c’est écrire, c’est tout.

Merde à la fin.

Je sais que c’est peine perdue, cette résistance, j’ai fait une analyse, merci. Mais quoi ? Il faudrait faire la danse des sept voiles pour amadouer les dieux de la puissance créatrice ? Peut-être. J’observe ce qui se passe : écrire le semainier, je peux. Ce n’est donc pas écrire en soi, le problème ou, en tout cas, taper des lettres sur un clavier. Mais il faut une danse des sept voiles. Voilà ce qu’elles me disent, ces lettres sous mes doigts.

Le daruma porte-bonheur rapporté de Tokyo, dont j’ai dessiné au feutre le premier oeil, dont le second restera blanc jusqu’à ce que j’ai terminé le manuscrit, pourra-t-il quelque chose pour moi ? La danse des sept voiles me rappelle l’histoire de Salomé, ce qui n’est pas rien. Je n’irai pas plus loin de ce côté-là mais, circulant entre psychanalyse, souvenirs mythologiques, ou plutôt picturaux, ou encore musicaux, un début d’énergie revient. De toute façon, le daruma est un culbuto : on le fait tomber, il se relève.

Ah mais.

Le matin, le programme prévoie une heure de marche entre le réveil et le premier bloc d’écriture. J’ai la chance d’habiter près des Buttes-Chaumont. Exploitons cette chance et arpentons les Buttes, même à les connaître par coeur, me dis-je dès le lundi. La première fois, je zigzague au hasard, en fonction de ce que j’entends (tiens, tiens). Les jours suivants, je décide de continuer, de zigzaguer selon le même parcours. De 8 et 9, ce n’est pas encore le moment de se demander si on sera, ou non, fatigué·e le reste de la journée ; si on pourra, ou non, écrire. Entre 8 et 9 heures, on s’en fout. On marche, on admire, on écoute, on respire. Le monde est parfumé, peuplé de jardiniers (et de joggers).

Je me donne des règles : suivre le même parcours, donc, et ne pas emporter d’argent. Que la promenade ne soit pas le prétexte à faire des courses. La balade, rien qu’elle.

L’arbre ci-dessus est un sophora du Japon, planté aux Buttes-Chaumont en 1873. L’arbre ci-dessous provient du parc de Shinjuku, à Tokyo. Dans mon esprit, le premier a appelé le second, je m’en rends compte maintenant. Les deux résument, à eux seuls, mon amour du voyage, de ces voyages-là, qui me sortent de chez moi. Que l’écriture de Bruits me vampirise ou non dans les jours à venir, il ne faudrait pas que ça interfère. Échouer, ce serait se punir, renoncer aux zigzags.

Vendredi Update : prudence, mais du progrès. Réveil sans alarme à l’heure qu’il fallait, écriture le matin (rien de mirobolant, écriture quand même), prise de conscience de ce qui pèse.

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