Parution le 7/01/2026
14.00 x 19.00 cm
384 pages
ISBN : 978-2-330-21548-4
Prix indicatif : 23.50€
Marches et hasards
dimanche 21 Novembre 2021, par
(Buttes-Chaumont, avant que l’hiver ne commence)
Démarrer en douceur, commencer par cette promenade aux Buttes effectuée je ne sais plus quel jour et sur laquelle il y a peu à dire en dehors du plaisir d’aller voir, une fois de plus, de quoi est fait l’automne quand on n’a pas eu l’occasion de marcher en forêt cette année.
Mais tout de suite, ce qui vient, c’est plutôt la forêt de pancartes, hier, lors de la manifestation contre les violences faites aux femmes (et aux enfants, et aux personnes trans) organisée par Nous toutes et à laquelle je me suis rendue, comme un début de rituel, avec la même amie que celle à qui j’avais proposé de m’accompagner lors de la première édition et qui m’a, cette fois, demandé si je voulais venir. Égoïstement, je dirais que ce qu’elle a représenté, pour moi, cette manif, c’est la preuve que j’étais à nouveau capable de supporter la foule, de tenir une pancarte à bout de bras de République à Nation et de crier Darmanin démission à pleins poumons sous mon masque : la joie de sentir l’énergie revenir et de la partager ; joie, qui vient, je le pense, du fait que nous étions principalement des femmes et que je ne percevais pas de présence guerrière, dangereuse --- ce en quoi j’avais en partie tort car en rentrant, j’ai découvert sur les réseaux que le cortège avait été attaqué par endroits à coups de barre de fer et de ceinture par de jeunes militants d’extrême droite, qui ont fini par reculer et par se faire sortir. Les petits fafs, ça a, me semble-t-il, toujours existé, mais j’ai grandi à une époque où il n’y avait plus de manifestations féministes. Ils se battaient avec des bandes de l’autre bord, je me souviens de jeux de pistes entre les Halles et Saint-Lazare, tout cela restait majoritairement masculin. L’imagerie, de part et d’autre, était d’ailleurs très virilisée dans les attributs et les poses : tous en rang, bras croisés ou brandissant des battes de base-ball, etc. Mais venir frapper une manif de femmes, de filles, d’enfants ? Est-ce que j’imagine ça il y a trente ans ?
Ils auraient l’âge d’être mes fils, maintenant, et sans doute mon hébétude vient-elle également de là. J’ai pensé, hier, que même si je m’informais j’étais restée ces dernières années, à cause du burn out, dans une sorte de bulle. Plus légèrement, je l’ai senti aussi en me rendant compte que je ne connaissais pas les trois quarts de la playlist du camion ! Il y a par moments un drôle de vertige à se croire devenir celle qu’on n’aurait pas cru être à vingt ans. Je dis ça en souriant : à vingt ans, je voulais ne devenir ni une vieille fumeuse (j’ai arrêté de fumer il y a vingt-cinq ans), ni la caricature d’une bonne ménagère (aucun risque de ce côté-là non plus !). L’important, c’est d’être allée manifester, avec tout le plaisir que cela a pu comporter d’échanges.
Quel rapport avec l’écriture, au juste, que ces considérations ? Je ne sais pas, en dehors du fait que j’écrive souvent sur des femmes qui traversent des villes (liberté entravée du regard dans Fenêtres, liberté d’action de la femme en quête de désir, remontant jusqu’aux grands magasins à pied dans Décor Lafayette, liberté d’Agnès Varda filmant le bout de sa rue dans Décor Daguerre, course de ma petite fille dans Bruits...).
Ah si, quelque chose, peut-être : j’ai essayé il y a quelques jours de lire un roman dont on m’a plus d’une fois parlé, L’Homme dé. Et j’en suis incapable car la première chose "transgressive" que fait ce "héros" qui joue sa vie aux dés est d’aller violer sa voisine, laquelle finit par en être si contente que le narrateur remplace l’expression faire l’amour (ou une autre) par violer. À quel moment j’arrive à trouver ça drôle ? (parce qu’apparemment, ça l’est) Ai-je envie de poursuivre pour voir si, dans la suite du texte, la culture du viol sera mise à distance par l’auteur ? Ai-je l’énergie, le désir d’aller plus loin ? Non. Ma vie de lectrice aura, durant la première partie de ma vie, consisté à me mettre à la place d’auteurs masculins dont la vision des femmes était souvent problématique. Je "passais par-dessus" en me disant qu’il fallait prendre en considération l’époque où les livres étaient écrits, etc. C’est fini. Je rate peut-être le meilleur du roman, mais raz-le-bol. Les féministes actuelles m’auront ouvert les yeux là-dessus.
Le hasard, je préfère aller le chercher dans ma vie courante : il se trouve que, quelques mois après avoir dit à la Maison de la poésie, qui me proposait des ateliers, que je ne pouvais/voulais plus me rendre dans des établissements scolaires qu’autrement qu’à pied, j’ai été sollicitée par le Louvre (autre lieu, autre interlocutrice, donc) pour animer quatre séances dans un collège de mon arrondissement. Pur hasard, mais là encore, quelle joie de marcher pour aller vers son but ! Voilà qui me conforte dans l’idée qu’il faut toujours demander précisément ce qu’on veut. C’est ainsi qu’au Louvre, qui l’ignorait parce que la première fois la coïncidence était totale, et qui vient de me solliciter à nouveau, je viens de préciser cette condition. Ce que ça donnera, j’en parlerai peut-être dans un prochain épisode.
En attendant, à propos d’épisodes, j’ai enregistré cette semaine le second volet de Lire le bruit. Il sera disponible sur le site de la Marelle le premier dimanche du mois prochain, autrement dit le 5. Plus consistant : L’aiR Nu est en train d’expérimenter le podcast sur Spotify et c’est ainsi que vous pouvez retrouver l’intégralité du roman écrit par Thierry Beinstingel lors du premier confinement, Sur Ivan Oroc à cette adresse. Là encore, quelque chose progresse et si telle est ma conclusion, c’est que cette phrase aura rythmé ma semaine. À dimanche prochain !
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