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Se réorganiser

dimanche 30 Avril 2023, par Anne Savelli

(oloé de type disparu, à Marseille, utilisé pour Bruits)

Lundi. Partie dans l’oloé 2 pour échapper au bruit pendant trois jours, j’en profite pour lire le très émouvant Comanche, de Caroline Diaz, enregistrer mon deuxième épisode du podcast Patreon, Faites entrer l’écriture et décider de l’ouverture de ce même Patreon : ce sera le 25 mai, le jour de mon anniversaire (tant qu’à faire). Chaque 25 du mois, à partir de cette date, je posterai un podcast de 25 minutes, accessible aux abonnés de ma page. J’ai deux épisodes d’avance et ne souhaite pas aller au-delà pour l’instant, afin de me servir de ce qui, entre temps, me viendra.

Mardi. Nouvelle échappée, cette fois dans le local de L’aiR Nu. L’Urssaf Limousin nous menace des huissiers alors que nous avons payé, ce qui, du reste, est indiqué sur son site. En attendant que ça se dénoue, il faut, éternellement, en revenir à Bruits. Je me suis lancée un défi de lecture (lire ou relire tous les livres que je possède dont le titre comporte le mot "bruit", auquel pour bien faire il faudrait ajouter "son" et "sonore"). Je sais que ces lectures ne me servent à rien, pour écrire. Mais c’est une façon de prendre mon travail au sérieux et de partager ce qui peut l’être — partage égoïste, pour l’instant, destiné à me motiver, mais qui sait où il pourra me conduire ? Ce qu’il faut, c’est retrouver de l’appétence, du désir.

"Tout est bruit pour qui a peur" a dit Sophocle, paraît-il. Cette citation, c’est également le titre d’un livre que je n’ai pas lu, un de plus, et dont je découvre l’existence en ouvrant un essai universitaire, Bruit et cinéma. Cette petite danse autour du texte (tout pour ne pas écrire, tout pour ne pas s’y mettre) va prendre du temps, un ou deux jours peut-être. Il y a une peur à dompter, une angoisse à rouvrir un à un les fichiers, on connaît ça par coeur — ce qui ne change rien. Par ailleurs, je lis l’excellent Delphine Seyrig en constructions de Jean-Marc Lalanne, sorti récemment, et ce avec d’autant plus d’intérêt et de plaisir que je ne suis pas en train d’écrire mon Delphines !
Delphine Seyrig + Pierre Schaeffer qui apparaît dans un chapitre vont me ramener à Bruits, c’est certain. En cherchant cinq minutes, je tombe sur d’ailleurs sur Cendres, une pièce radiophonique avec Roger Blin et DS :

"La pièce réussit la transposition sur le plan sonore, non seulement d’une posture métaphysique, mais aussi d’une pratique artistique : c’est par des sonorités dures et sèches que l’auteur concrétise la faculté puis l’impuissance créatrice de Henry." me disent des spécialistes. Voilà peut-être ce qu’il me faut, pour remettre à écrire !

Mercredi. Finalement, nous sommes vraiment en dette vis-à-vis de l’Urssaf Limousin, ce dont nous ne nous sommes pas rendus compte car notre assurance a fait main basse sur l’argent mis de côté à cet effet. Bref, nous croyions avoir déjà payé, et ce d’autant plus que cela semblait indiqué sur le site, mal foutu de ce côté-là (je précise que personne n’est salarié, dans l’association, et que nous n’avons pas les moyens d’engager un comptable. Nous faisons comme nous pouvons). La situation est problématique, nous n’avons plus d’argent et pas de perspectives financières pour le moment. Que faire ? Demander un échéancier, pour commencer, et nous débarrasser de notre assurance hors de prix. Mais ensuite ? Où trouver de l’argent ? Tout cela pose, crument, la question de savoir où nous avons envie d’aller, collectivement. En attendant, il faut réussir à se re-concentrer sur les textes en cours d’écriture, ce qui n’est pas évident.

Le jeudi, j’y arrive, seule dans le local de L’aiR Nu. J’essaye de ne pas censurer ce qui vient (ni sur la forme, ni dans fond, pour le dire vite, sachant que le dire ainsi n’a pas de sens). Ne pas juger. Ne pas dire : c’est débile, c’est enfantin, c’est mal écrit, encore un personnage de plus, qu’est-ce qu’on va en faire ? Bref, ne pas laisser le surmoi prendre le pouvoir. Le texte est stupide et hétérogène ? Eh oui, ça commence souvent comme ça. Ensuite, on retravaille. J’ai besoin d’avoir l’ensemble de la matière avant la fin de l’année, aussi : en avant !

Comme toujours, c’est peu, ce n’est presque rien. Mais ce peu, ce rien, finissent pas faire 100 pages, au bout d’un moment. Par ailleurs, la résidence à Arromanches m’a appris que, presque malgré moi, sans en avoir vraiment conscience, j’avais dessiné des lignes de force. Y croire. Continuer d’y croire.

Le vendredi, la vie matérielle reprend le dessus. Toujours ces histoires d’argent qu’il faut réussir à résoudre. Heureusement, les membres du collectif sont là, ils réagissent et nous soutiennent. Souvent, je n’ose pas raconter autour de moi les obstacles, les embûches, les découragements. C’est idiot, mais c’est structurel : ça ne se fait pas quand on exerce un "métier passion" (voir, ici, certains de ses pièges).

De retour chez moi, du bruit au troisième étage (les ouvriers, quand ils ne tapent ni ne forent, écoutent de la musique), très peu dans mon texte. J’ajoute quand même un paragraphe sur celui dont je viens de parler, de bruit, cette chanson du dessus de la tête, ce qui permet à mon personnage, F, de rencontrer une passante — voilà, comme ça, sans se fatiguer. Ce n’était pas du tout prévu, mais rien n’est prévu dans ce livre.

Inutile de se flageller. Se dire qu’on prend les problèmes à bras le corps, qu’on ne les laisse pas filer. Qu’hier, j’étais dans la relecture de Bruits, dans son écriture. Que j’ai aussi beaucoup bouquiné, cette semaine : un livre sur le bruit, le Delphine Seyrig que j’ai terminé, et qui est vraiment réussi, bien dosé, différent de la biographie de DS déjà existante. J’ai également dévoré, toujours dans le local de L’aiR Nu, Station Goncourt d’Arnaud Viviant (qui m’a appris un certain nombre de choses sur mon éditeur !).

Rester calme ("Pas de panique" disait Philippe Aigrain, à qui je pense fort ces temps-ci). Bien s’organiser. Ne pas se dire que tout s’écroule. Au contraire, se reformuler pour soi-même, pour les autres, ce qu’on veut.

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