parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros

Une vie à tiroirs
dimanche 18 Mai 2025, par
Lundi Au moins, on peut dire qu’on ne s’ennuie pas. Up ou down mais jamais dans la monotonie, cette vie-là. Est-ce qu’il va transformer nos souvenirs en hôtel, celui qui voulait déjà, quand il l’a racheté, surélever l’immeuble alors que nous nous trouvons dans une zone à trous ? Un vrai gruyère, une passoire, ce quartier des Buttes. Il faut sans cesse injecter du béton, colmater les brèches. Quand il a effectué des sondages dans la cour, il paraît que certaines caves ont perdu des centimètres. Je n’ose pas descendre dans la mienne. Je n’ai plus idée de ce qui s’y trouve.
Pendant ce temps, enfin une bonne nouvelle : ma nouvelle version de Bruits est validée par mon éditeur, qui est donc Claro, disons-le maintenant, Claro que je venais d’écouter à France Culture parler de L’anti-Oedipe de Deleuze et Guatari quand j’ai reçu son message, en fin de semaine dernière. Le même Claro à qui j’ai raconté que je me lançais dans une lecture collective de La Maison des feuilles, roman de Mark Z. Danielewski dont il est le traducteur — autrement dit, je lis, jour après jour, le livre à la même vitesse que des inconnu·es, avec lesquels je m’apprête à échanger. Parmi elles et eux, se trouve une jeune fille aveugle pour laquelle l’ouvrage, très expérimental dans sa forme, est inadapté (le livre doit par moments être retourné pour être lu, entre autres choses), alors même que le premier personnage que nous découvrons, en dehors du narrateur, l’est également (aveugle) (et narrateur, d’une certaine façon).
J’apprends que La Maison des feuilles comporte une page en braille mais aucune version pensée pour quelqu’un qui ne voit pas. Qu’un pdf, ce n’est pas l’idéal, car, lorsqu’une personne aveugle le convertit dans son logiciel, des chapitres sautent. J’essaye de comprendre, de me pencher sur la question. Je pensais que cette lecture collective m’apprendrait quelque chose sur la lecture elle-même, mais je n’imaginais pas que cela commencerait si tôt, si fort, par cette impossibilité technique radicale.
Pendant ce temps, toujours, nous montons un nouveau dossier de subventions pour L’aiR Nu, liée au XVIIIe arrondissement, et rédigeons une présentation de cette "grande idée" que j’ai eue la semaine dernière, mais que je voudrais commencer par tester sur moi avant de la raconter ici. Je découvre à cette occasion que j’ai perdu des fichiers audio ultra précieux, irremplaçables, de Jacqueline, voisine que j’ai interrogée, à une époque, sur sa vie et qui est morte en 2023.
Désespoir.
Il en reste un peu, heureusement. Christine me réconforte au téléphone, me dit qu’on crée toujours avec le manque.
Perturbée, cependant, je me trompe de jour et rate une rencontre avec Virginie Poitrasson à la Sorbonne.
Désolation.
(J’ai cependant eu Christine au téléphone, ce qui compte.)
Mardi Après une visioconférence où des podcasteuses me donnent des conseils pour trouver davantage de personnes susceptibles de me soutenir financièrement sur Patreon (je les ai notés, je verrais quand j’aurais le temps de les appliquer), je teste une proposition d’écriture liée à "la grande idée" pour L’aiR Nu, qui reviendra, en partie, à épuiser Paris entier. Résultat : j’écris presque 14.000 signes ! Ce jour, je tente également de faire avancer la bulle d’air de Maryse qui aura lieu dimanche et un épisode de podcast que je voudrais faire sur Delphine Brestesché, profitant de mon passage à Nantes le mois prochain. Ce n’est pas facile, à distance, de convaincre des gens qui ne me connaissent pas de me parler au micro. Le soir, je réalise que trois femmes disparues m’occupent, et un immeuble. C’est beaucoup.
Mercredi Vie professionnelle comme immobilière, impression qu’il faut avoir des yeux partout. Sentiment d’éparpillement, de dispersion contre lequel lutter. Fun fact : en fin d’après-midi, alors que je reviens de la bibliothèque Villon pour la deuxième fois de la journée, Manu Chao passe devant chez moi.
Jeudi Je crois que nous nous mettons pas mal la pression pour la déambulation de dimanche. C’est notre première "bulle" à Paris, tous les dossiers de subventions montés à l’automne sont encore en attente de réponse et il y en a quatre autres à faire dans la foulée : il ne faut pas se louper, et ce d’autant moins que les très proches de Maryse vont venir.
Vendredi J’arrête là mon journal pour la semaine. Quand il paraîtra, je m’apprêterai à me rendre au cimetière Montmartre. En attendant, il faut trouver une idée pour le deuxième dossier (bulle XIe arrondissement), puis, très vite, le troisième (bulle XIIe) , résister au stress de la situation immobilière et continuer La Maison des feuilles. Est-ce étonnant que ce soit ça (et Paris musée du XVIIIe siècle, le 18e arrondissement, de Thomas Clerc) que je lise, en ce moment ?
Un message, un commentaire ?
Pour participer à ce forum, vous devez vous enregistrer au préalable. Merci d’indiquer ci-dessous l’identifiant personnel qui vous a été fourni. Si vous n’êtes pas enregistré, vous devez vous inscrire.