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Voilages et ruban, escalier

dimanche 19 Octobre 2025, par Anne Savelli

Parfois, je me déplace pour presque rien, un bout de ruban rouge à acheter, je me fraye un chemin parmi les touristes qui montent vers le Sacré-Coeur et, une fois chez Reine, moi qui ne sais rien faire de mes dix doigts en dehors de taper sur des touches, je me sens envahie par une immense félicité.

Reine est un magasin de tissus du Marché Saint-Pierre sur lequel j’ai écrit dans Décor Daguerre.
Reine n’a pas changé depuis ma petite enfance, voilà ce qui me frappe chaque fois que j’en franchis le seuil — ce que j’éprouve est peut-être faux, mais c’est invariable. Au rez-de-chaussée, un vendeur attend, muni de son mètre en bois. Dans l’ascenseur capitonné, un banc accueille, pour quelques secondes, les clientes.

J’ai une passion immodérée pour l’escalier bleu pâle à liséré rouge qu’on peut également emprunter, dont les vitres opaques donnent sur la rue. Je ne sais pas pourquoi je l’aime tant, en dehors du fait de l’avoir certainement monté ou descendu avec ma mère un samedi, au début des années 70.

(À ce propos, Sébastien Rongier vient de faire paraître un livre sur "les arts et les marches", L’Esprit de l’escalier que j’aimerais lire.)
(L’Esprit d’escalier, de son côté, est un jeu de cartes littéraires de Pierre Ménard.)

J’achète mon mètre cinquante de ruban rouge, un beau ruban, ma foi, brillant et souple. J’attends mon tour en observant le carrelage du premier étage, qui lui non plus, n’a pas changé — un carrelage fait de petits morceaux brisés, colorés, le plus souvent triangulaires, dont je cherche, sans le trouver, le nom — puis, après un tour au dernier étage, rayon voilages, je rentre chez moi, transportée par ce plaisir d’être allée chez Reine en début d’après-midi un lundi, d’avoir joui de chaque instant sans subir la foule. C’est vraiment physique, ce plaisir, ça vous prend entier, des pieds à la tête, comme si chaque cellule vibrait de joie.
(Ce qu’elle fait sûrement.)
Tout cela pour apporter le soir-même ce cadeau à l’anniversaire d’un ami, qui fête ses quatre-vingts ans :

(Est-ce que je vais ressortir cette photo quand il sera temps d’annoncer la parution de Bruits en janvier, qui fait dans les 400 pages ? Oh, certainement.)

Galerie

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