Lovée dans l’oloé

Quand il me dit de respirer, il propose parfois de faire apparaître une couleur. Elle finira par envahir le corps assis ou allongé, promet-il. Ou plutôt non : il ne promet rien. Le cerveau seul fait le travail, convoque la couleur. Celle qui vient est orange, un orange près du rouge, plus proche du sang que de l’œuf.

Parti de rien, l’orange se distend. Il devient couverture, vêtement, bubble gum qui s’étire, englobe le corps dans ce qu’on appelle un fauteuil Ball, ce meuble des années 60 dont la coque en forme de ballon protège, cache, enveloppe, engloutit presque son occupant.

Oh là, que d’utérin, lit-on.

Sûr. Cet orange est matière moelleuse, il conquiert le corps réchauffé. Libérée, la tête se tourne alors vers une baie vitrée donnant sur un jardin, parfois une table basse et, dans l’angle, une mince forêt de plantes. S’il ne s’agissait pas d’aller y capter l’air, on pourrait avoir peur d’étouffer, de rester bloquée dans ce lieu qui offre peu d’espace.

On notera qu’il est sans rapport avec la pièce dans laquelle le corps réel est allongé.

Quant aux salles d’attente auxquelles il pourrait faire penser, antichambres du soin, des problèmes à régler pour délivrer la tête, elles sont censées nous accueillir. Pourtant, on a toujours envie de les fuir. On triture ses doigts, on stresse, on scrolle, on scrute les horloges et l’ordre de passage.
Ici, une fois l’armure orange et molle enfilée, coupée à raz du cou pour garder la tête à l’air libre, on se faufile. On a hâte de retrouver la Ball, la bulle où lire écrire, où respirer, où renommer : oloé qui, voilà son tour de force, finit par absorber tout lieu.

Ici l’oloé. À vous l’antipode.

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(Texte écrit en 2021 pour fêter les trente ans des éditions de L’Attente, dont le logo est un fauteuil, maison où j’ai publié Décor Daguerre et Saint-Germain-en-Laye. La photo a été piquée à Marie-Claire.)