parution le 03/10/2024
ISBN 978-2-490364-42-8
53 pages
12 euros
Réussir à vagabonder
dimanche 26 Octobre 2025, par
Lundi Nous ne réussissons plus à lire parce que nous n’avons plus le temps de laisser notre esprit vagabonder, me dit soudain un psychopédagogue apparaissant sur un réseau social, lequel réseau lui coupe quelques instants après la parole, ne lui laisse pas le temps de développer.
C’est vrai. Je ne vagabonde plus, ayant façonné le monde, ces derniers temps, pour y voir d’abord des appartements, puis des plans, puis des meubles, puis des matières — des mats, brillants, inox, lin, bois, voilages, velours, unis, rayés, stratifiés qui envahissent, ces jours-ci, mon espace mental. J’ai toujours pensé que je préférais les mots aux choses (j’y ai pensé la première fois en lisant Les Choses de Perec, qui semblait les aimer plus que moi) et cela se confirme.
Le texte ci-dessus est tiré d’Éloge de la nage d’Annie Leclerc. J’ai remis la main dessus en rangeant ma bibliothèque — car oui, je déménage très bientôt, ça y est, c’est dit. Le propriétaire de l’appartement que j’occupe encore a décidé, il y a presque six mois, de ne renouveler le bail d’aucun des locataires "historiques" de l’immeuble où j’ai rencontré Jacqueline. Je l’avais, alors, raconté ici. Depuis, j’ai laissé planer le suspense sur la suite, mais ce n’était pas par choix. Tout était incertain et compliqué. Maintenant, ça y est. Je serai partie d’ici trois à quatre semaines.
Bref. Revenons-en au texte d’Annie Leclerc. Le passage évoque le moment où elle découvre l’importance que revêt pour elle le fait de se rendre à la piscine, fuyant le monde l’espace d’un instant. Étrangement, on pourrait le prendre à revers, ce passage, imaginer qu’il décrit le déficit d’attention, cette difficulté à se concentrer, à se remettre à lire dont parle Sonia Devillers, interrogeant le psychopédagogue dans le très court passage en lien ci-dessus.
Note : si j’ai photographié, assez mal, cet extrait, c’est pour le lire à voix haute, lui et d’autres, lors de la prochaine déambulation de L’aiR Nu, le 13 novembre, dans le quartier Danube, à Paris. Je l’ai pris en photo pour le scanner, en faire un fichier, l’imprimer puis le tenir en main.
Mes réseaux sociaux, en ces temps de rentrée littéraire, sont saturés d’auteurs en auto-promotion, ce qui est la base de chacun de mes murs, mais également de publicités pour des meubles à vendre et de publications de groupes liés à la vie parisienne. Défilent perpétuellement devant mes yeux un auteur heureux d’annoncer qu’il vient d’être nommé pour un prix littéraire (ce que je ne peux blâmer, j’en ferais autant à sa place), une bibliothèque sur mesure, un chat perdu dans le quartier et un cliché nostalgique du Palace dans les années 70 / de la petite ceinture / de la nuit photographiée par Brassaï.
Tout cela pour dire, répéter, qu’au lieu de vagabonder je déménage, et que cela m’envahit l’esprit —ce qui se sent, je crois, dans cet article désorganisé. La plupart du temps, je sature. Je tente, alors, de me persuader que dans le futur appartement, une fois "les choses" (=les livres, les carnets, les cahiers, les chemises, la papeterie, le micro pour le podcast...) à leur place, je pourrais enfin rêvasser, c’est-à-dire me remettre à écrire.
Mardi soir Ni Trump, ni Sarkozy, ni Dati, non merci, ni Louvre, ni Santé aujourd’hui. Juste un jour à travailler sur des dossiers en y croyant ; à prendre un peu d’avance en effectuant des enregistrements pour la carte de Par-là Paris que nous ferons écouter le mois prochain, lors de la Quinzaine du livre Danube — Danube, "le seul quartier du XIXe sans bibliothèque municipale" (à lire dans cet article d’Actualitté).
Mercredi soir Ce déménagement me sort décidément par les yeux. Pour contrer ce qu’il déstabilise, rend anxiogène (la perte de place et de séparation des espaces), je met en ligne, dans la carte Par-là Paris, un texte où j’ai tenté d’épuiser la rue sur laquelle donnent certaines fenêtres de mon appartement actuel, à savoir, la rue des Chaufourniers, au mois de mai dernier. J’y dis vers la fin du mal du propriétaire, ce qu’il ne saura jamais. Globalement, je tente de m’avancer dans le travail à réaliser à Danube, car les animations que nous allons mener vont tomber pendant le déménagement.
(Tiens, une partie de mon actuelle étagère Perec, pour la peine.)
Vendredi Il fait beau, la tempête est passée. Une armoire vide et une étagère mal en point attendent le passage des encombrants : c’est un début. Se délester, continuer de le faire sans se laisser envahir par un sentiment d’anxiété, voilà ce que à quoi je voudrais parvenir. Abandonner les choses sans se sentir abandonné.e, c’est aussi une forme de voyage.
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