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Vents et marées

dimanche 20 Septembre 2020, par Anne Savelli

En voilà, une semaine compliquée, montagnes russes et compagnie, je suis contente qu’elle se termine et que se finisse bientôt cette seconde vague de chaleur. Je pense à ceux qui sont forcés de porter leur masque du matin au soir dans ces conditions, aux enseignants qui s’époumonnent, aux ehpad qu’on referme, aux enfants qui grandissent avec le virus (six mois c’est déjà une éternité), aux ouvriers sur les chantiers, à ceux qui travaillent en usine, à ceux de Béthune, aux prisonniers et leurs familles, aux étudiants, aux artistes sans scène, à ceux qui s’aperçoivent que leurs choix n’ont plus de sens ; ceux qui, en général, voient la crise sanitaire et écologique leur scier les jambes, leur couper l’élan ; ceux qu’elle réprime, qu’elle est en train de traumatiser. 

Il n’est pas très gai, mon début de semainier : c’est sans doute aussi parce qu’il coïncide avec les trente ans de la mort de Franck, je le dis pour ceux qui auraient lu mon livre paru il y a dix ans. Toute cette masse de temps m’a donné le vertige, jeudi, qui était le 17 septembre.

(Et c’était aussi un jeudi, en 1990, et je ne savais rien de ce qui se tramait loin de Paris. Ce jour-là, j’aurais dû soutenir, si je me souviens bien, mon mémoire de maîtrise — L’Univers carcéral dans l’œuvre de Jean Genet. Je me rappelle que j’avais demandé une semaine de report et que j’ai passé cette journée du 17 à classer les 200 pages de mon mémoire tapées à la machine en les rangeant en tas sur ma table à repasser dans ma chambre de bonne. J’étais tendue et concentrée, les A4 empilées représentaient deux ans de travail dans des conditions difficiles, quelque chose allait se boucler) (Je n’ai reçu aucun coup de fil, ni le lendemain ni un autre jour m’annonçant la nouvelle, ce qui m’a permis, pourrais-je dire cyniquement, de soutenir mon mémoire la semaine suivante).

J’attends l’orage, la pluie, le frais comme une délivrance de cette semaine de stress où l’aventure moderne fut difficile à mener, où je ne suis pas allée à la réunion à laquelle je devais me rendre et dont j’avais parlé le dimanche précédent, angoissée par les conditions matérielles, ayant demandé à participer à distance (sans le savoir j’ai bien fait, car tout ce qui était urgent s’est apparemment délité) ; où j’ai tout de même, victoire sur le burn-out et sur moi-même, envoyé lundi matin Volte-face à celui qui a publié les Fragments de Marilyn Monroe, chose que je voulais faire depuis deux ans ; où le nouveau projet de L’aiR Nu, intitulé Nos îlots numériques (j’en reparlerai), va tout de même exister. Il portera sur ces questions et, voyez comme ça se trouve, je pense y inclure "l’aventure moderne" que je mentionne ici pour le mener à bien. 

Par moments j’ai l’impression d’avoir eu de l’avance sur le burn-out général et que, d’ici six mois, tout le monde va finir avec un corps de plomb. La Une de Libé me le confirme samedi, qui titre sur l’épuisement de la société entière. Le dossier fait écho à cette évidence que la folie politique, administrative, médiatique, numérique déjà si présente est rendue plus furieuse chaque jour par les incertitudes sanitaires. Foncer droit devant pour se donner l’illusion que rien ne bouge. Tout faire cramer, brûler avec.

Une semaine où, par ailleurs, j’ai repris pour la millième fois mon "grand livre" (Bruits) et suis restée tétanisée devant un autre texte, fini depuis des semaines, que j’ai voulu relire, auquel je n’ai plus rien compris. Ce n’est pas la première fois et cet empêchement est normal : écrire, qu’est-ce d’autre que de passer de l’enthousiasme à l’abattement et de l’abattement à l’espoir plusieurs fois par jour, subir ces micro-mouvements qui par moments deviennent des crises ? Simplement, cette "norme" de l’écriture semble maintenant peser partout.

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